La révolution est en marche à Damas. Une fois de plus, en terre arabe, l’Histoire bascule et le peuple syrien retient son souffle. Bachar el-Assad a fui le pays et les islamistes ont pris le pouvoir. Pour quels lendemains ? Les bataillons conduits par Abou Mohammed al-Joulani, ancien djihadiste de Daech puis d’al-Qaïda dont il aurait divorcé en 2016, remercient Allah depuis la Mosquée des Omeyyades, à Damas, scintillant symbole du sunnisme. Des images qui marqueront l’Histoire dont nul ne sait comment elle tournera.
Kamel Daoud aurait dû obtenir le prix Goncourt en 2014, déjà. Cette année-là, son premier roman (‘‘Meursault, contre-enquête’’, Actes Sud) était donné favori. La légende raconte qu’il a été devancé par ‘‘Pas pleurer’’ de Lydie Salvayre grâce au vote (hostile à Daoud) de Tahar Ben Jelloun, jury du Goncourt et seul écrivain maghrébin à avoir décroché le prix en 1987, pour ‘‘La nuit sacrée’’ (Seuil).
Plus qu’une victoire électorale, c’est un plébiscite qui place, à nouveau, Donald Trump sur le toit du monde. En lui offrant, de surcroît, les pleins pouvoirs. Des prérogatives qu’aucun autre président américain n’a jamais eues. Le 20 janvier prochain, le milliardaire égocentrique, à la personnalité aussi pittoresque que sa célèbre mèche orange, ne reprendra pas seulement les clés de la Maison-Blanche. Son Administration, la 47ème du nom, aura aussi le soutien de la majorité des deux chambres du Congrès. Elle pourra aussi compter sur l’appui de la Cour suprême au sein de laquelle il avait imposé une dominante conservatrice, grâce à des nominations intervenues à la fin de son premier mandat (2017 – 2021).
Les valeurs démocratiques portées par l’Europe et les États-Unis sont-elles vouées à régresser, face à la furie expansionniste des autocrates orientaux que sont Khamenei, Poutine, Xi Jinping et Erdogan ? Jean-François Colosimo, auteur d’‘‘Occident, ennemi mondial numéro 1’’, (Albin Michel) et Amin Maalouf, qui explore les origines du conflit entre la Russie et l’Ukraine avec ‘‘Le labyrinthe des égarés, l’Occident et ses adversaires’’ (Grasset), invitent à une réflexion nécessaire sur le sujet.
Sommes-nous si loin d’eux ? L’océan qui nous sépare des Américains semble rétrécir à la veille d’une élection présidentielle cruciale pour les États-Unis et le monde. La panne du rêve américain, cristallisée par l’engouement de la moitié de la nation pour un Donald Trump qui délire – « exécutions de bébés après la naissance, réfugiés haïtiens mangeurs de chats et chiens » – et menace du pire s’il n’obtient pas la victoire, serait-elle la version XXL de la panne du rêve français ?
Ils vont voter alors que nous ne sommes toujours pas remis, ni guéris, de nos propres élections, des Européennes de juin aux Législatives de juillet. Perte du pouvoir d’achat, rupture entre les communautés, dialogues minés par les haines, ultra-violence, dictature des réseaux sociaux, emprise du complotisme : aux débats qui embrasent la scène américaine font écho ceux qui occupent la nôtre.
Les récentes élections législatives et européennes montrent à quel point une grande partie de la classe politique est coupée du peuple et incapable de porter un projet à long terme qui fédère la nation tout entière. D’un côté, les élites de la Macronie, dont la seule obsession est de nous ‘‘délivrer’’ du péril de l’extrême droite, n’ont fait preuve d’aucune vision pour redresser la France. En clair, elles n’ont travaillé à rien d’autre que l’évitement de la confrontation au réel. De l’autre, les médias woko-compatibles qui pratiquent l’inversion des valeurs à la façon de Big Brother, n’ont eu de cesse, depuis des années, d’expliquer aux Français comment ils devaient penser, se déplacer et consommer, sans imaginer que ces derniers leur feraient payer, un jour, ce trop-plein de moraline inepte.
Les résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet ont engendré une crise politique inédite en France. Une impasse due à l’absence d’une majorité parlementaire suffisamment large pour pouvoir gouverner de façon sereine et durable. Cependant, en dépit des risques de blocage qui menacent d’ébranler les institutions de le Vème République, il existe au moins 4 raisons de se réjouir de l’issue de ce scrutin :
Entre les peurs et les leurres, la France balance. Malgré les rodomontades de Jean-Luc Mélenchon qui, dès 20h07, le 7 juillet dernier, annonçait l’affaire bouclée en même temps – laissait-il entendre – que son attaché-case pour Matignon, rien n’est résolu. « Avoir évité le pire – l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir – ne nous préserve pas d’un autre pire : l’ingouvernabilité du pays », prévient Bernard Cazeneuve, ex-Premier ministre socialiste (entre décembre 2016 et mai 2017), tendance gauche laïque et universaliste.
Face au risque d’une victoire électorale qui offrirait la majorité parlementaire à l’extrême droite, le salut ne peut venir que d’une mobilisation républicaine ralliant tous les démocrates, car aucune formation politique ne peut résister, seule, à la poussée du Rassemblement national. Or, de nombreux clivages entravent le ‘‘cordons sanitaire’’ républicain. Pour les dépasser, il conviendrait de substituer au bon vieux ‘‘Front républicain’’, dirigé exclusivement contre l’extrême droite, un ‘‘tri sélectif républicain’’ destiné à isoler et bloquer tous ceux que les outrances et les dérives placent hors de l’arc républicain, de quelque bord politique qu’ils se revendiquent.
Le monde d’hier décrit par Stefan Zweig dans son exil brésilien en 1943 n’a jamais été si proche de nous. Sa déploration d’Européen, contemporain de l’engloutissement de tout ce qu’il aimait, nous poursuit alors qu’une nouvelle Europe et une nouvelle France surgissent des urnes du 9 juin, puis, dans notre pays, de celles des 30 juin te 7 juillet. La campagne de crise précédant le vote a été marquée par la disparition des principes-clés qui fondent notre civilisation : l’affrontement courtois, la rationalité contre le délire, la recherche du sens contre l’insensé et l’impensé.
La perte de ces concepts et l’absence de décence dans l’expression, marque d’une faillite morale et politique, ont ouvert la voie à une tragique concurrence des extrêmes. Elle a culminé dans un coup de théâtre – la dissolution du Parlement français – qui fait de l’hexagone le miroir vers lequel se tournent, fascinées, les démocraties du vieux continent.