Après les torrents de haine et de barbarie qui se sont déversés sur Israël, et la riposte sanglante de Tsahal qui a fait plusieurs milliers de victimes civiles à Gaza, peut-on, doit-on, imaginer une quelconque issue au conflit actuel autre que la destruction du Hamas ? C’est-à-dire l’anéantissement total de ses structures militaires et le démantèlement du diktat politico-religieux qu’il a installé à Gaza.
Comme nous l’écrivions dans ces colonnes, dès le lendemain des attaques du 7 octobre dernier (Ecran de Veille, n° 38, Octobre 2023), la mise hors d’état de nuire du Hamas est impérieuse, non seulement pour la sécurité d’Israël, mais aussi pour l’honneur de la juste cause du peuple palestinien souillée par les crimes sanguinaires du Hamas.
La défaite militaire du Hamas s’impose donc, désormais, comme un préalable à l’éclosion de toute nouvelle espérance de paix. Or, la paix – quoiqu’en pensent les belliqueux des deux camps – est la seule échappatoire au cycle infernal de la haine et de la violence. Et quoiqu’en disent les éternels ‘‘peptimistes’’ [contraction d’‘optimiste’ et de ‘pessimiste’, tirée du roman éponyme d’Émile Habibi], une paix durable, basée sur une solution à deux États viables, souverains et pacifiés, est (et restera) le seul horizon d’espérance pour les Palestiniens comme pour les Israéliens. Et le moment venu, ce sera l’unique et véritable alternative au conflit perpétuel et aux tensions sans fins.
Car, oui, il faut détruire le Hamas, l’anéantir militairement et le destituer politiquement. Mais, nuls tanks ni bombardements ne sauront venir à bout de sa doctrine mortifère ou de l’idéologie fanatisée dont il se réclame. Seule une paix négociée et équitable pourra offrir aux Palestiniens comme aux Israéliens une véritable alternative d’apaisement, de cohabitation et – à terme – de coopération et (pourquoi pas) de fraternité. Une telle paix aura pour effet de marginaliser les fanatiques et belliqueux des deux camps en les mettant au ban des sociétés palestinienne et israélienne de demain.
Il faut, certes, du courage pour faire la guerre. Mais il en faut encore davantage pour la paix, qui est bien plus sérieuse (et souvent si douloureuse) pour être confiée aux doux rêveurs pacifistes. C’est un combat extrêmement complexe, non seulement contre autrui, mais aussi (et surtout) contre soi-même. Raison pour laquelle ce sont les plus engagés dans le combat militaire et militant qui se révèlent, par la suite, en bâtisseurs de la paix. Pour peu qu’ils aient l’envergure politique et la hauteur d’esprit pour s’ériger en Hommes d’État capables de bâtir un avenir en percevant, même dans les heures les plus sombres, les véritables intérêts de leurs nations, au lieu de caresser les pulsions les plus viles dans le ‘‘bon sens des foules’’, comme le font les pseudos politiciens à l’esprit et au regard vissés en permanence sur leurs intérêts partisans et leurs petites carrières.
Et bien que nous soyons conscients que le conflit israélo-palestinien traverse, aujourd’hui, les heures les plus sombres de toute son Histoire, nous ne devons jamais désespérer de l’émergence d’un Mandela israélo-palestinien, qui saura subjuguer la douleur pour en faire émerger de l’espérance et substituer la fraternité à la haine.
Il y a, dans la culture arabe, un magnifique proverbe – et au regard de la longue et douloureuse Histoire du peuple juif, je suis sûr qu’il doit exister des équivalences hébraïques – : ‘‘c’est dans les nuits les plus sombres qu’éclosent les lunes les plus éclatantes’’ !
Pour qu’un tel espoir soit possible, la communauté internationale doit multiplier les efforts, les pressions et les initiatives, auprès d’Israël, des dirigeants palestiniens et des pays arabes, pour offrir au peuple palestinien autre chose que le choix mortifère entre la peste du Hamas et le choléra de l’Autorité chancelante et corrompue du vieux Mahmoud Abbas.
Il faut aussi qu’Israël s’attelle à un indispensable examen de conscience. Car, même si rien ne peut justifier les horreurs du 7 octobre dernier, deux questions s’imposent : comment en est-on arrivé là ? Et – surtout – que faire pour que cela ne se reproduise plus ?
Davantage que les adversaires ou les critiques d’Israël, ses amis ont aujourd’hui le devoir moral de secouer les consciences, en affirmant, haut et fort, que l’on ne peut pas miser éternellement sur la seule suprématie militaire. Cette dernière est (et restera, hélas, pour longtemps encore) un impératif à la sécurité, voire à la survie d’Israël. Cependant, être l’ami d’Israël, c’est aussi savoir (et devoir) lui faire prendre conscience que l’on ne peut pas combattre et anéantir les fanatiques du camp adverse, tout en portant les fanatiques de son propre camp aux postes de responsabilité les plus éminents de l’État. Que les fascistes, les ultras belliqueux et autres suprémacistes doivent être mis au ban de la société ou devant les tribunaux et non pas dans les cabinets ministériels. Que ceux qui ont soutenu, au lendemain de la barbarie du 7 octobre, qu’il leur était désormais permis d’être ‘‘cruels’’, non seulement avec le Hamas, mais envers tous les Gazaouis (au prétexte qu’ils ‘‘ne se sont pas soulevés contre le diktat du Hamas’’) ou encore contre tous les Palestiniens (au prétexte qu’ils ‘‘se comportent comme des animaux qu’il faut traiter comme tels’’), semblent ignorer que si l’on riposte à la barbarie par l’horreur, on se fait – sans prendre garde – contaminer soi-même par la ‘‘bestialité’’ que l’on reproche à son ennemi !