‘‘Les Versets sataniques’’, à l’origine de la fatwa de l’ayatollah Khomeini condamnant à mort Salman Rushdie, est une œuvre de fiction. Cependant, l’incident relaté dans ce roman et dont est inspiré son titre, renvoie à un fait historique avéré, évoqué aussi bien dans le Coran que dans les principaux livres de la Sira, les chroniques de la vie et des paroles du prophète de l’islam.
Dans son roman, Salman Rushdie consacre à l’incident des ‘‘versets sataniques’’ – un fait historique incontestable que le Coran évoque, sans détour ni ambiguïté(Verset 52, Sourate 22) – le deuxième chapitre du roman intitulé Mahound.
Le 8 août dernier, le rom ancien algérien Anouar Rahmani devait prendre part au débat sur la liberté d’expression, aux côtés de Salman Rushdie et d’autres artistes persécutés, à Chautauqua, dans l’État de New York. Il était dans la salle quand l’auteur des ‘‘Versets sataniques’’ s’est fait poignarder. Dans cet entretien réalisé à chaud, au lendemain de l’attaque, il se confie en exclusivité pour Écran de Veille, sur cette douloureuse épreuve.
Comme Salman Rushdie, je pense que « s’il m’était demandé de donner une seule et brève phrase sur la religion, je dirais : je suis contre » ! Non pas que le problème soit la foi religieuse en elle-même, mais parce que « dès le début, les hommes se sont servis de Dieu pour justifier l’injustifiable ».
Comme Salman Rushdie, je considère que « la liberté d’expression est le tout, toute l’histoire », qu’elle « est la vie elle-même », que « sans la liberté d’offenser, elle cesse d’exister ».
Il faut toujours prendre les intégristes aux mots. Ceux qu’ils prononcent pour tuer. Ceux qu’ils interdisent aux autres de prononcer. Hadi Matar, l’homme qui a tenté le 12 août d’assassiner Salman Rushdie, était actionné par les mots de la mort. La mort est le véritable empire de l’islamisme. Salman Rushdie, lui, actionne les mots de la vie. Le poignard de l’intégriste d’origine libanaise, né aux Etats-Unis, admirateur de Khomeiny et du Hezbollah, devait lui faire rentrer ses mots dans la gorge et tous les organes.
Deux cent intellectuels et militants de la société civile, ainsi qu’une vingtaine d’associations, au Maghreb et dans la diaspora nord africaine en Europe, ont rendu publique une pétition dénonçant la tentative d’assassinat dont a été victime Salman Rushdie, intitulée ‘‘Nous refusons qu’en notre nom soit commis le crime’’.
En voici le verbatim intégral :
“Le radicalisme religieux irradie une sorte de « glamour ». Offrez une kalachnikov et un uniforme noir à un jeune sans le sou, sans emploi, et soudain vous conférez un pouvoir à celui qui se sent vulnérable et défavorisé”. Ces mots sont de l’écrivain Salman Rushdie, entre la vie et la mort à l’heure où nous écrivons ces lignes. Ils traduisent l’immense clairvoyance que cet homme a sur ses contemporains. Menacé de mort depuis plus de 30 ans, Salman Rushdie a construit une œuvre sur les braises ardentes d’une fin qu’il n’imaginait pas impossible de la main de l’Homme.
En septembre 1988, Jean-Claude Buhrer, grand reporter au journal Le Monde, est en déplacement en Inde, au moment de la publication par Salman Rushdie de son roman ‘‘Les Versets sataniques’’. « La réaction des chiites en Inde est immédiate. Ils lancent aussitôt une fatwa contre Salman Rushdie, réclamant sa mise à mort », se souvient le journaliste. Il appelle aussitôt son journal… qui décline sa proposition d’article. Vraisemblablement, l’importance du sujet a échappé sur le moment au grand quotidien parisien.
Dans cet entretien réalisé par notre collaboratrice Martine Gozlan en février 2006, pour l’hebdomadaire Marianne, au moment de la sortie de son huitième roman ‘‘Shalimar le Clown’’, l’auteur des ‘‘Versets sataniques’’ parle d’espoir, de création et de résistance. Vertigineux.