Pour paraphraser le Michel Audiard des Tontons flingueurs, on peut dire que les collabos, ça ose tout. Alors que les égorgeurs djihadistes ensanglantent encore la France, un vol noir de corbeaux péremptoires s’abat sur les plateaux et squatte les colonnes des journaux. Les tribunes au miel vénéneux chargées de réécrire la réalité se succèdent comme si rien ne s’était passé. En tous cas pas ce qui nous avait bouleversés jusqu’au fond de l’âme : cette réplique des séismes antérieurs, cinq ans après le massacre des journalistes de Charlie Hebdo, les attentats du Bataclan et de l’Hypercacher.
Un enseignant. C’était un prof d’Histoire qui, lorsqu’il enseignait celle de la liberté d’expression, demandait à ceux de ses élèves que cette liberté fondamentale pouvait choquer de sortir de la classe. Ça en dit long, déjà. Ce professeur était menacé de mort sur les réseaux sociaux. Il le savait. Il avait porté plainte. Des parents avaient même demandé sa démission parce que vous comprenez, la liberté d’expression c’est obscène.
Beylik : c’est le mot qu’on ne veut plus entendre à Tunis. Beylik, domaine du bey, vassal du sultan. Beylik, province ou « régence » ottomane. Un mot qui remonte du puits des siècles, un retour du refoulé historique. Il a été griffonné rageusement dans les médias du pays après la visite impromptue à Tunis de Recep Tayip Erdogan, venu demander au président Kais Saied de soutenir une intervention turque en Libye pour appuyer le mal nommé « Gouvernement d’accord national » de Faiez Sarraj contre le général Khalifa Haftar. En ouvrant l’aéroport de Matmata aux avions militaires turcs. Mais oui bien sûr, cela tombait sous le sens : la minuscule et stratégique Tunisie ne pouvait qu’acquiescer aux désirs d’Ankara. Dans l’esprit du néo-Grand Turc, elle se devait de redevenir la vassale des jours anciens.
Sous l’impulsion du nouveau patron de Ligue islamique mondiale, Mohammed Bin Abdulkarim Al-Issa, un proche du prince héritier, Mohammed Bin Salman, l’Arabie saoudite a annoncé, en janvier, qu’elle allait se séparer des mosquées qu’elle contrôle en Occident et qui ont longtemps servi à la propagation de l’idéologie wahhabite. Mais cinq mois plus tard, Riyad n’a pas trouvé de repreneurs. Et ce désengagement saoudien fait craindre une prise de contrôle de ces mosquées par des acteurs plus radicaux encore. Les mosquées en questions sont convoitées par certains États peu recommandables, comme la Turquie d’Erdogan, et par des groupes non étatiques, comme les Frères musulmans ou les mouvements salafistes.
C’est une toute petite fiche dans la jungle des recommandations administratives émises en France, à l’occasion du déconfinement, mais elle constitue un énorme pas dans la lutte contre le communautarisme. Ce document de trois pages émis par le ministère de l’éducation nationale, sous l’intitulé de « Coronavirus et risque de replis communautaristes », est d’une clairvoyance inédite, à la fois, sur la complexité du « spectre des idées radicales du communautarisme », sur les « techniques et manières de procéder » des différents « groupes radicaux » porteurs de projets « anti-démocratiques et antirépublicains » et sur les « conduites à tenir » pour contrecarrer les visées « séparatistes » de tels groupes, qu’ils soient « communautaires, autoritaires ou inégalitaires ».
Selon l’idéologie islamique, aucun mode de vie n’est valable ou ne mérite d’être expérimenté, hormis celui défini par le Coran. Et donc même si tous les problèmes étaient résolus, l’intégrisme demeurerait. L’islam des Lumières tant attendu, tant désiré, cet islam rêvé est un « impossible ». Il ne fait que détourner les jeunes des valeurs universelles, les attirer davantage vers l’islam, puis vers le fondamentalisme, enfin le terrorisme. Aucun espoir de changement à moins d’abattre tout le système. Mais les musulmans d’Europe pratiquent une démarche inverse en exploitant le multi-culturalisme ambiant pour réclamer que les pays hôtes s’adaptent à leurs exigences religieuses.
Il y a près de trois décennies, à l’hiver 1991, la vallée du Cachemire était en proie à un véritable militantisme islamiste. Des terroristes armés de kalachnikovs parcouraient les rues des quartiers de Srinagar et des autres zones de la vallée du nord au sud.