Géopoliticien et essayiste, Frédéric Encel analyse les répercussions du nouveau choc qui secoue le Proche-Orient, après la chute du régime Assad en Syrie et la prise du pouvoir par une coalition islamiste menée par Abou Mohammed al-Joulani, ancienne figure de Daech et d’al-Qaïda…
La révolution est en marche à Damas. Une fois de plus, en terre arabe, l’Histoire bascule et le peuple syrien retient son souffle. Bachar el-Assad a fui le pays et les islamistes ont pris le pouvoir. Pour quels lendemains ? Les bataillons conduits par Abou Mohammed al-Joulani, ancien djihadiste de Daech puis d’al-Qaïda dont il aurait divorcé en 2016, remercient Allah depuis la Mosquée des Omeyyades, à Damas, scintillant symbole du sunnisme. Des images qui marqueront l’Histoire dont nul ne sait comment elle tournera.
Privé de ses anciennes bases dans les zones irako-syriennes, Daech se replie de plus en plus sur internet. Une tendance accentuée par la pandémie du Covid-19, qui a incité l’organisation terroriste à augmenter le volume et l’intensité de son activité en ligne.
Disons-le d’emblée, la seule différence qui existe entre la confrérie des Frères Musulmans et Daesh, c’est la méthode. La fin reste la même : appliquer la charia islamiya, la loi islamique, et réinstaurer le califat, en désignant un calife à la façon islamique, sans vote. Une fois cela fait, ils oeuvrent à islamiser l’existence et à dominer le monde. Ainsi, deux entités intégristes se rendent service souvent consciemment, parfois inconsciemment.
Selon un rapport onusien, Daech dispose toujours d’un trésor de guerre estimé entre 30 et 45 millions de dollars. Le rapport précise qu’il s’agit essentiellement de fonds en espèces, mais relève qu’une partie de ces fonds a été transformée en investissements, via des prête-noms, en Irak, en Syrie et surtout en Turquie.
Selon un rapport du conseil national du renseignement, remis au Président Macron, au sujet des combattants français de Daech, une quarantaine d’entre-eux aurait rejoint des groupes djihadiste en Libye. Ils constituent, du fait de ce rapprochement géographique, une importante source d’inquiétude, car ils pourraient nourrir des projets de retour clandestins en France.
Les nominations intervenues à la tête de Daech, suite à la mort de son « Calife », Abou Bakr al-Baghdadi, et de son porte-parole, Abou Hassan al-Mouhadjir, confirme la mainmise grandissante d’AMNI, l’ex-service de renseignement du Califat, sur les instances directionnelles de l’organisation terroriste.
Loin d’avoir mis un terme à l’existence ni même au pouvoir de nuisance de Daech, la mort de son Calife auto-proclamé, Abou Bakr al-Baghdadi – tué le 27 octobre dernier, lors d’une opération des forces spéciales américaines, au nord de la Syrie – aura pour effet d’accélérer deux tendances en gestation depuis plusieurs mois, au sein de la nouvelle Internationale djihadiste : la première est d’ordre structurel, la seconde est opérationnelle.
L’attaque meurtrière survenu le 3 octobre dernier au cœur même de la direction du renseignement, à la préfecture de police de Paris, a illustré de la façon la plus dramatique le phénomène que nous évoquions dans la première de cette série d’articles consacrés aux nouveaux défis antiterroristes. A savoir que ce type d’actes terroristes ne sont plus l’œuvre de commandos lancés à l’assaut de la France, depuis les fiefs daechiens dans les zones djihadistes irako-syriennes, mais sont le fruit empoisonné de « vocations djihadistes » d’apparence spontanée, suscitées à distance, par les recruteurs daechiens, chez des « sujets » français le plus souvent motivés par des pulsions violentes de type nihiliste, plus que par un réel désir de « guerre sainte » djihadiste.
Des échanges confidentiels entre plusieurs services de renseignement européens font état de projets d’attaques en mer méditerranée et d’opérations kamikaze visant les côtes italiennes, françaises et espagnoles.