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Les Frères musulmans infiltrent le Conseil national des imams

23 novembre 2021 News   50706  

En septembre dernier, le nouveau recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chams-Eddine Hafiz, publiait un retentissant livre intitulé ‘‘Le manifeste contre le terrorisme islamiste’’, dans lequel il fustigeait les tenants de l’islam politique. Il s’imposait ainsi comme un chantre de l’islam modéré. Nul ne pouvait alors imaginer que, moins de trois mois plus tard, l’éclairé recteur allait effectuer un étrange et radical revirement, pour s’allier aux Frères musulmans, la maison-mère de l’islamisme, contre le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), dirigé par son rival Mohamed Moussaoui.

Par Atmane Tazaghart

Sur fond de lutte d’influence, s’inscrivant dans ce qui est communément appelé l’« islam consulaire » (voir l’encadré ci-dessous), les conflits opposant Hafiz, d’origine algérienne, à Moussaoui qui est marocain, ont permis aux Frères musulmans d’infiltrer le Conseil national des imams (CNI), après y avoir été chassés, en mars 2021 – à l’instar de deux autres fédérations représentées au CFCM – pour avoir refusé de ratifier la ‘‘charte des principes pour l’islam de France’’ élaborée par le CFCM à la demande du Président Macron.

Le 2 octobre 2020, dans son discours des Mureaux consacré à la lutte contre le séparatisme islamiste, Emmanuel Macron avait suggéré aux représentants du culte musulman l’élaboration d’une ‘‘charte de valeurs’’ destinée à prémunir les musulmans de France contre l’islam politique et les ingérences étrangères. Le Président français annonçait, par ailleurs, son intention de mettre fin, avant 2024, aux ‘‘imams détachés’’ envoyés en France par des pays étrangers, confiant ainsi au CFCM la délicate mission de créer un conseil national destiné à former des imams francophones, sensibilisés aux valeurs humanistes et républicaines.

Les préparatifs de la ‘‘charte des valeurs’’ ont donné lieu à des dissensions aigües au sein du CFCM : en décembre 2020, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chams-Eddine Hafiz, a claqué la porte du Conseil, dénonçant le travail de sape des tenants de l’islam politique, les accusant de s’opposer aux valeurs laïques et républicaines ; en mars 2021, trois fédérations islamistes [les Frères musulmans, les Turcs et une fédération comorienne] se sont retirées du Conseil, refusant de ratifier la charte. Les préparatifs du CNI se sont donc poursuivis sans eux. Et le lancement du CNI est officiellement annoncé par le CFCM pour le 12 décembre 2021. Sauf que trois semaines avant cette date, le recteur de la Grande Mosquée de Paris décide de s’allier aux Frères musulmans, pour court-circuiter le CFCM, en annonçant le 21 novembre, la création d’une instance de formation des imams portant le même nom de CNI !

Dans son alliance contre-nature avec les Frères musulmans, le recteur de la Grande Mosquée de Paris a poussé le zèle jusqu’à se rendre, le 19 novembre dernier, au centre de formation des imams de Château-Chinon, tenu par les Frères musulmans, pour faire l’éloge de la qualité des formations qui y sont dispensées !

Il est vrai que Chams-Eddine Hafiz n’est plus à une contradiction près. En septembre 2002 déjà, en sa qualité d’avocat de la Grande Mosquée alors dirigée par Dalil Boubakeur, il a assigné Michel Houellebecq devant le tribunal de grande instance de Paris pour « complicité de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes en raison de son appartenance à une religion » et « injure », suite à la publication de son roman Soumission. Quatre ans plus tard, c’est encore lui qui a engagé les poursuites judiciaires, toujours en tant qu’avocat de la Grande Mosquée de Paris, contre nos confrères de Charlie Hebdo, dans l’affaire des caricatures de Mahomet. En janvier 2020, après avoir succédé à Dalil Boubakeur, il change radicalement de position, affirmant qu’il soutient désormais le ‘‘droit à la caricature’’ et condamne, sans équivoque, l’extrémisme islamiste.

Pour asseoir davantage sa réputation de ‘‘modéré’’, Chams-Eddine Hafiz n’hésite pas à recevoir, à la Mosquée de Paris, en juillet 2021, la jeune Mila, la courageuse adolescente homosexuelle harcelée sur les réseaux sociaux et menacée de mort par des fanatiques islamistes. Il est même allé jusqu’à lui offrir un exemplaire du Coran d’une symbolique toute particulière : il était de couleur rose !

Nul doute qu’un tel geste d’ouverture et de tolérance envers une homosexuelle accusée de surcroît d’avoir insulté l’islam, n’est pas du tout du goût des leaders rigoristes des Frères musulmans, qui ont accueilli le recteur à Château-Chinon. Mais l’occasion qu’il leur offrait de court-circuiter le CNI, destiné à remettre en cause leur mainmise sur la formation des imams en France, était trop belle pour qu’ils s’encombrent de considérations théologiques !