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Frères Musulmans et extrémisme djihadiste : les liens sulfureux

1 septembre 2019 Investigations   21438  

Au-delà de l’appartenance à l’idéologie islamiste radicale, quel est le lien commun entre al-Qaïda à Daech, pourtant rivaux ? Entre le cerveau des attentats du 11 septembre, Khalid Sheikh Mohammed, et le prédicateur vedette de la chaîne al-Jazeera, Youssef Al-Qaradawi ? Et une myriade de réseaux d’influence et de financement pro-islamiques implantés aussi bien au monde arabe que dans les grandes capitales occidentales ?
La réponse est sans équivoque : la Confrérie pan-islamique des Frères musulmans ! C’est ce que démontre une étude très fouillée, intitulée The muslim brotherhood’s ties to exterimists, réalisée par le Think-tank américain Counter Extremism Project.

Par Atmane Tazaghart

Malgré l’apparent pacifisme des Frères musulmans et leur prétendue « modération », le radicalisme djihadiste est né au sein de cette confrérie connue pour être la maison-mère de l’islamisme contemporain. C’est ce que s’attelle à démontrer cette étude, très bien documentée, à travers un examen détaillé des parcours et des profils de nombreuses figures du terrorisme djihadiste ayant ou ayant eu des liens étroits avec la Confrérie .
L’étude rappelle que terrorisme djihadiste auquel le monde est confronté aujourd’hui est le prolongement d’une idéologie violente sortie des rangs des Frères musulmans. En effet, les acteurs les plus virulents du djihadisme mondial puisent leurs références dans le Qotbisme, le courant radical des frères musulmans, fondé par Sayyid Qotb, le théoricien du Takfir contemporain, exécuté par Nasser en 1966.
L’étude retrace les liens des leaders du djihadisme avec la Confrérie, depuis la guerre anti soviétique menée par les Moudjahidines en Afghanistan (1979 – 1989), jusqu’à l’émergence d’al-Qaïda puis de Daech.
Abdellah Azzam, le chef historique des moudjahidines arabes, connus par la suite sous le nom des Afghans arabes, Oussama Ben Laden, le fondateur d’al-Qaida, Ayman al-Zawahiri, son successeur, et Abu Bakr al-Baghdadi, le calife autoproclamé de Daech, ont tous fait leurs débuts au sein des Frères musulmans. L’étude précise que ces figures du djihadisme mondial « ont toutes appartenues aux frères musulmans, avant d’assumer leur rôles respectifs dans leurs réseaux terroristes »
Dans la longue liste des figures djihadistes ayant été formées au sein des Frères musulmans, l’étude place le palestinien Abdallah Azzam, en pole position. Issu de la Confrérie, dont il fut le chef historique de la branche palestinienne, il est devenu le père-fondateur du djihadisme global. Il fut parmi les figures les plus influentes qui ont contribué à propager la pensée frères-musulmane et implanter les réseaux de la Confrérie dans plusieurs pays arabes et asiatiques. Réseaux sur lesquels il s’appuya, par la suite, pour créer des « foyers de djihadisme transnationaux », comme le Hamas, al-Qaïda ou Lashkar-e-Toiba.
Abdul Majeed al-Zindani est une autre figure emblématique de l’islamisme radical. Fondateur de l’université al-Iman au Yémen, il est connu dans les milieux de renseignement pour « son rôle crucial dans l’endoctrinement de milliers de jeunes yéménites et arabes ». Co-fondateur de la branche yéménite des Frères musulmans et de la vitrine politique locale de la Confrérie, le parti al-Islah, il est connu pour ses prises de position extrémistes et son engagement en faveur des mouvements radicaux. Le Trésor américain affirme qu’il « joue un rôle clé dans l’achat d’armes au profit d’al-Qaïda et dans le financement du Hamas, mouvement affilé aux Frères musulmans ».
La capacité de nuisance de la Confrérie, dépend aussi du large public auquel elle a accès, aussi bien dans les pays musulmans qu’en Occident. Et ce grâce à un réseau mondial de virulents prédicateurs. Parmi ceux-là, l’étude cite, notamment, le cas de Hani el-Sibaï. Egyptien exilé en Angleterre, il est considéré comme l’un des « mollahs du Londonistan ». Selon l’étude, les autorités américaines l’accusent de « financer al-Qaïda et de conspirer pour commettre des actes terroristes ». Il est aussi suspecté d’être celui qui a endoctriné Mohammed Emwazi, alias Jihadi John, l’un des combattants occidentaux les plus sanguinaires de Daech.
L’argent nerf de la guerre…sainte !
Les liens des Frères musulmans avec l’extrémisme djihadiste ne se limitent pas à l’influence idéologique et organisationnelle ou à la radicalité du discours de nombre de ses prédicateurs. Il passe aussi par l’argent, le nerf de toute guerre, fusse-t-elle une guerre sainte.
Parmi les figures frères-musulmanes impliquées dans le financement du terrorisme djihadiste, l’étude cite le cas du saoudien Mohammad Jamal Khalifa, membre de la Confrérie et beau-frère d’Oussama Ben laden. Elle évoque aussi une sulfureuse personnalité qatarie : l’ex-membre du conseil de surveillance de la Qatar Islamic Bank, Abderrahman al-Nuaïmi. Inscrit sur la liste noire des personnalités finançant le terrorisme, il est accusé par le Trésor américain de financer de nombreux groupes terroristes, parmi lesquels al-Qaïda en Irak et en Syrie, Osbat al-Ansar au Liban et les Shebab en Somalie.
Autre personnage non moins sulfureux, Ahmed Idriss Nasreddin, est l’un des tous premiers « banquiers Frères musulmans » accusés d’être impliqués dans le financement du terrorisme djihadiste. Les autorités américaines, l’accusent d’avoir contribué au financement d’al-Qaïda et du Hamas, à travers la banque al-Taqwa, dont il était l’un des fondateurs, aux côtés de Youssef Nada et Ali Ghaleb Himmat, en 1988.
Selon l’étude, un autre bailleur de Fonds frère-musulman, Essam Mustafa, a aussi a financé le Hamas, à travers l’ONG Islamique Union of Good, fondée par le prédicateur égyptien naturalisé qatari, Youssef al-Qaradawi. ONG inscrite par le Trésor américain sur la liste noire des organisations finançant le terrorisme, depuis 2008.
Propagation du discours islamiste radical :
Au-delà du financement du terrorisme, l’étude cite de nombreux cadres de la Confrérie qui financent des œuvres destinées à propager l’islam radical et à imposer la charia, y compris dans les pays occidentaux. Parmi ceux-là, il y a notamment Ali al-Qaradaghi, le secrétaire général de l’Union Mondiale des Savants Musulmans (IUMS) fondée, elle aussi, par le cheikh al-Qaradawi et Basée à Doha. Ainsi que l’actuel président de cette organisation, le marocain Ahmed Raïssouni.
L’étude souligne, par ailleurs, les liens étroits et organiques des Frères musulmans avec les leaders du Hamas palestinien, aussi bien parmi ses responsables politiques ou les chefs de sa branche armée : Abdelaziz Rantisi, Ismael Haniyeh, Khaled Mechaal, Mohamed Deif et de nombreuses autres figures du Hamas sont officiellement affiliées aux Frères musulmans.
L’étude retrace aussi les parcours de plusieurs chefs terroristes de la mouvance djihadiste globale, qui ont « débuté » dans les rangs de la Confrérie, du pakistanais Khaled Cheikh Mohammed, le cerveau des attentats du 11 Septembre, au turc Huseyin Mustafa Peri, l’un des cadres de Daech…
La bienveillance des « grands Frères »
L’étude relève que les groupes djihadistes radicaux adoptent souvent un discours critique envers les Frères musulmans, même si de nombreux chefs de ces groupes émanent de la Confrérie. Cela s’explique par le fait que ces groupes sont des « mutants » couvés par la Confrérie, avant d’en sortir et devenir plus radicaux. Par contre, les Frères musulmans agissent envers ces groupes radicalisés en « grands Frères ». La preuve en est que la maison-mère de la Confrérie, lorsqu’elle a accédé au pouvoir en Égypte, a défendu politiquement et diplomatiquement des groupes djihadistes comme le Hamas ou le front al-Nosra, la filiale d’al-Qaida en Syrie.

Encadré :

Counter Terrorism Project

Le Counter Extremism Project (CEP) est un Think-tank américain, qui publie, depuis sa création en 2014, des études et rapports d’expertises sur les mouvements extrémistes et leurs réseaux de financement et d’endoctrinement. A travers les recherches qu’il réalise, le CEP œuvre pour le renforcement des lois américaines contre l’extrémisme. Parmi ses fondateurs se trouvent de nombreux anciens ambassadeurs, sénateurs et hauts fonctionnaires. Le document que nous présentons ici dresse les portraits de 40 personnalités issues des Frères musulmans qui ont des liens avec quatre organisations djihadistes à travers le monde.