L’été est à nos portes et la sempiternelle question du burkini revient comme un boomerang annuel, à l’instar des rythmes latinos qui devraient accompagner les estivaliers sur la plage. Cependant, si les succès musicaux ne sont jamais prévisibles, les Unes, commentaires, condamnations et autres résurgences sur la légitimité ou l’interdiction de ce ‘‘vêtement de plage’’, prolongement du hijab (voile islamique), seront avec certitude au cœur du débat.
Déjà au début de printemps dernier, premier rebondissement, héritier d’un phénomène dont les soubresauts remontent à 2016 : le projet ubuesque du maire écologiste grenoblois, Éric Piolle, d’autoriser le burkini dans les piscines de sa commune, en modifiant leur règlement intérieur.
Petit retour en arrière : la création de cette ‘‘tenue de bain’’ est attribuée à une Australienne d’origine libanaise nommée Aheda Zanetti. Nous sommes en 2004, à Sydney. La jeune femme raconte que c’est en observant sa nièce jouer au netball que l’idée lui est venue. La jeune adolescente avait du mal à se mouvoir sur la plage avec son hijab et c’est ainsi qu’Aheda, après avoir « fait des recherches et ne pas avoir trouvé de tenues convenables pour les femmes sportives et ‘pudiques’ » a lancé le concept de Burkini. Si ce vêtement imaginatif lui semblait d’à-propos, c’est aussi, avait-elle affirmé, parce que les plages en Australie « font partie intégrante de la vie des Australiens » et qu’il fallait donc pallier le vide commercial avec une tenue en adéquation et « religieusement correcte ».
Cependant, même si les intentions de la créatrice sembl aient partir d’une bonne intention, aurait-elle pu imaginer, tel l’effet papillon, les profonds questionnements sociétaux et sociologiques que cette tenue susciterait dans l’une des plus vieilles démocraties européennes, à plus de 15.000 km des plages australiennes ?
À qui sert la polémique ?
Si certains esprits conciliants affirment qu’il faut éviter d’y voir systématiquement la patte de l’islamisme, d’autres y distinguent la main à peine invisible des fondamentalistes religieux, plus tentés par la déstabilisation de l’ordre de occidental que par une véritable permission de la pratique de la nage pour les Musulmanes.
Mezri Haddad, philosophe et ancien diplomate, écrivait en 2016 dans le Huffpost : « Dans cette guerre de l’obscurantisme contre les Lumières conduite par les Frères musulmans, qui est consubstantiellement et idéologiquement liée à l’autre guerre terroriste que mène Daech contre l’Occident, la stratégie de l’ennemi de l’intérieur est à la fois simple et redoutable : susciter le scandale, provoquer le débat pour en récolter les bénéfices médiatiques ou symboliques et éventuellement les acquis politico-juridiques ».
Une chose claque d’évidence : le piège tendu fonctionne et avec panache. Placer la polémique natatoire dans ce timing ajusté du pré-été relève d’une précision d’orfèvre ! Il fait chaud, les citoyens affluent en masse vers les points d’eau, tandis que le partage de l’espace des loisirs entre les femmes émancipées et décomplexées et celles dévotes, couvertes de la tête aux pieds, suscite, à tous les coups, agacements et grincements de dents.
Que dit la loi française ?
Le burkini ne masque pas le visage et n’est donc pas interdit sur la voie publique par la loi en France. Dès lors, il appartient aux sociétés privées qui gèrent les lieux de loisirs de mettre en application leur propre règlement. Et comme souvent, dans les démocraties modernes des lois sont votées suite à des scandales médiatisés. C’est lors de l’interdiction du port de signes religieux ostensibles pour les accompagnateurs des sorties scolaires (loi votée après l’incident provoqué par le député RN Julien Odoul qui interpellait une maman voilée accompagnatrice lors d’une sortie scolaire au conseil régional de Bourgogne Franche-Comté) que le Sénat a joint une disposition au projet de loi sur le ‘‘respect des principes républicains’’, nous sommes alors le 30 mars 2021. Pour rappel, c’est un hémicycle composé d’élus en majorité de droite et du centre qui adopte cet amendement proposé par Michel Savin, sénateur Les Républicains de l’Isère dans le but de « faire reculer l’usage du burkini ».
Or, comme flou artistique, on ne peut faire mieux ! « Le ‘règlement’ d’utilisation d’une piscine ou baignade artificielle publique à usage collectif garantit le respect des principes de neutralité des services publics et de laïcité », informe le nouvel article, mais son approximation laisse libre cours à toutes les interprétations.
En conclusion, cette tempête estivale dans un verre d’eau salée ou chlorée, provoquée par certains élus de gauche wokiste, n’a pour vocation, au final, que d’apporter de l’eau bénite au moulin des tenants de l’islam politique. Suscitant, ainsi, les rires sous la barbe de ceux qui ont pour dessein, depuis des décennies, de provoquer spasmes et séismes dans le vivre-ensemble occidental.
Hadrien Mathoux écrira d’ailleurs, avec beaucoup de lucidité, dans Marianne : « Les débats générés par ce maillot de bain couvrant, mixant burqa et bikini traduisent bien la complexité de la thématique de l’islamisme : cette entreprise de grignotage de la société par le religieux, qui s’appuie sur une visibilité croissante de l’islam dans un pays laïque ».