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Quand le lobby qatari utilise un faussaire pour dénigrer les opposants aux Frères musulmans !

15 juillet 2020 Expertises   32073  

Ian Hamel

Pour dénoncer les adversaires des Frères musulmans et de l’islam radical, les communicants liés au Qatar utilisaient habituellement des pseudonymes. A l’occasion, il pouvait également faire appel à François Burgat, chercheur à la retraite, aujourd’hui président du Centre arabe de recherches et d’études politiques (CAREP) à Paris, organisme financé par l’émirat gazier. Toutefois, le dernier article, « Boue sur le Qatar », publié le 20 juin sur un blog hébergé par Mediapart, est signé par Paolo Fusi, un sulfureux personnage, auteur de faux grossiers lors de la dernière guerre du Golfe.

Le document, rédigé en anglais, est daté du 3 mars 1994, soit plusieurs années après l’embargo sur l’Irak. Il a pour en-tête la société panaméenne Radistal Inc. Corporation, soupçonnée de dissimuler de l’argent de Saddam Hussein. Le document aurait été rédigé à Lugano, capitale du canton du Tessin, en Suisse. « Les nouveaux contrats de Dassault et de Thomson ont été signé à B [pour Bagdad] la semaine dernière », peut-on lire. Le courrier ajoute que « la commission du conseil a été fixée à 7,5 % du montant des contrats ». Des informations largement relayées par le Sunday Times, le 13 avril 2003, et par la Télévision suisse francophone. Celle-ci ouvre même largement son antenne à l’auteur de ce “scoop“, Paolo Fusi, présenté comme un journaliste italien. A cette époque, il habite sur les bords du lac de Côme, dans le nord de la Péninsule.

L’objectif : faire croire que deux des plus grandes sociétés françaises d’armement seraient liées au régime de Saddam Hussein, et ainsi compromettre Paris, hostile à la guerre en Irak. Car ce document, qui est toujours en notre possession, est un faux grossier. Il n’est même pas signé ! ET surtout, a-t-on déjà vu des tricheurs écrire noir sur blanc leurs magouilles ? D’autres faux, distillé par Paolo Fusi, vont impliquer la Banca del Gottardo, accusée de gérer des fonds appartenant à des membres du régime de Saddam Hussein. Ainsi que… Yeslam Ben Laden, le demi-frère d’Oussama, installé à Genève et patron de la Saudi Investment Compagny (SICO). Cette entreprise aurait cherché le 17 novembre 1987 à acquérir des sociétés liées à Saddam Hussein. « La SICO va prendre, en accord avec le gouvernement irakien, le contrôle de ces entreprises et de leurs contrats », découvre-t-on dans un autre document, citant les sociétés Dumynta, Radistal, Saidomin et Techno Services.

Peu de temps auparavant, le même Paolo Fusi avait prétendu que l’ambassadeur de Suisse au Luxembourg gérait l’argent du dictateur irakien, via son demi-frère, Barzan al-Tikriti, en poste à Genève… Une fable également montée de toutes pièces. Le Sunday Times a rapidement rectifié, reconnaissant « qu’aucun indice ne suggère qu’un compte existait auprès de Banca del Gottardo après les sanctions décrétées par l’ONU en 1990 (…) Nous regrettons que notre article ait accrédité une idée contraire ». L’un des auteurs de l’article n’étant autre que Paolo Fusi. De son côté l’ATS, l’agence de presse suisse, précisait que le reportage « s’appuyait sur des documents qui se sont révélés être des faux selon le procureur général du Tessin », ajoutant que de dernier avait « porter plainte immédiatement contre inconnus pour faux en écritures ».

L’auteur de ces lignes, qui avait couvert l’intervention américaine en Irak pour Le Matin dimanche, a longuement rencontré Paolo Fusi en avril 2003 sur les bords du lac de Come. Ce “journaliste“ était alors accompagné d’un curieux personnage qui se présentait comme un membre des services secrets italiens. Bien peu convaincu par les documents falsifiés comme par les arguments de l’auteur des “scoops“, il avait publié un article le 20 avril 2003 dans Le Matin dimanche, sobrement intitulé : « Une grossière manipulation », illustré par des photos de Saddam Hussein et de Yeslam Ben Laden.

Depuis, le faussaire s’était montré particulièrement discret, disparaissant même du paysage journalistique. Jusqu’à ce qu’il réapparaisse très récemment pour se mettre au service de l’émirat du Qatar. Son article, diffusé sur le blog de Mediapart, a également été publié en italien sous le tire « Fango su Qatar », illustré de plusieurs photos. Mais apparemment, l’auteur se montre toujours aussi approximatif, se trompant dans les légendes !