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Quel est l’islamiste en Suisse qui accapare le plus les médias depuis une décennie ? Tariq Ramadan, soupçonné de viols, ou son frère Hani, directeur du Centre islamique de Genève, et ardent défenseur de la lapidation ? Pas du tout, il s’agit de Nicolas Blancho, un converti de 36 ans, à la longue barbe rousse broussailleuse, président du Conseil central islamique suisse (CCIS), une structure dont il est difficile d’évaluer la véritable audience.

 

Le Suisse Nicolas Blancho : faux hurluberlu, vrai islamiste pro-Qatar

31 août 2019 Expertises   4925  

Ian Hamel

Quel est l’islamiste en Suisse qui accapare le plus les médias depuis une décennie ? Tariq Ramadan, soupçonné de viols, ou son frère Hani, directeur du Centre islamique de Genève, et ardent défenseur de la lapidation ? Pas du tout, il s’agit de Nicolas Blancho, un converti de 36 ans, à la longue barbe rousse broussailleuse, président du Conseil central islamique suisse (CCIS), une structure dont il est difficile d’évaluer la véritable audience.

Bien que son père soit français, la notoriété de Nicolas Blancho en Europe n’a pas (encore) dépassé les frontières de la Confédération. Né à Bienne, une ville bilingue dans le canton de Berne, l’homme n’a pas vraiment le profil d’un brillant intellectuel.
Dans ses premières interviewes en 2010, il reconnaît qu’il s’ennuyait ferme à l’école, et qu’il n’a pas terminé un apprentissage d’imprimeur. A 16 ans, il se convertit à l’islam. Ses lectures l’orientent vers des penseurs fondamentalistes, Ibn Tamiyya, Sayyed Qutb, Al-Mawdhudi. Très vite, la presse alémanique, notamment la Weltwoche, le diabolise en le présentant comme « le Ben Laden de Bienne », « l’islamiste le plus dangereux du pays ».
Pourtant, les premières actions de Nicolas Blancho le rangeraient davantage dans la catégorie des hurluberlus. Avec son minaret gonflable lors d’un congrès du CCIS, la distribution d’étoiles jaunes à huit branches portant l’inscription « Muslim », et d’autocollants associant l’islamophobie à l’Holocauste, car « les musulmans de Suisse subissent des discriminations comparables à celles endurées par les juifs avant la Shoah ». Ses annonces concernant la construction d’une mosquée à Berne, à 20 millions de francs suisses (18 millions d’euros), la création d’écoles séparées pour les musulmans, le lancement d’une télévision musulmane, de cartes de réduction pour les musulmans, n’ont pas connu le plus petit début d’un commencement.
En clair, ne s’agit-il pas d’un vulgaire provocateur à la tête d’une organisation fantomatique (elle revendique, sans en apporter la preuve, 3500 membres, soit 1% des musulmans de Suisse) ? Le bras droit de Nicolas Blancho, Qaasim Illi, ne présente pas davantage de gages de sérieux. Avant sa conversion à l’islam, il fréquentait une Église évangélique fondamentaliste, avant de flirter avec l’extrême droite helvétique. Il a été condamné en 2005 pour détention d’images pornographiques et scatologiques, et pour discrimination raciale… Quant à son épouse Nora Illi, également convertie, elle défend ardemment la polygamie. Elle assure que « le devoir d’une femme est de contenter un homme. C’est dans la nature d’un homme de désirer d’autres femmes. Beaucoup de femmes sont égoïstes ». Elle assure également que « se battre contre la Syrie, contre les sbires d’Assad et pour la justice » ne présente, « du point de vue islamique, rien de mal ». Pour le chercheur Samir Amghar, le CCIS est porteur d’une radicalité religieuse, mais pas politique.
C’est oublier que cette équipe de convertis, qui jouent les “pieds nickelés“ devant la presse, sait aussi, plus discrètement, nouer des liens avec le Qatar. Nicolas Blancho a enregistré à Berne deux associations, Qoranona et Aziz Aid, dont le président est Abdulaziz Abdul Rahman Al-Thani, membre de la famille royale. Il est également vice-président du Conseil islamique international, basé à Berne, dirigé par le Qatari Ali Abdullah al-Suwaidi, également à la tête de l’Internationaler Islamischer Rat. Ce dernier est soupçonné par les services secrets suisses d’avoir participé au financement du Front Al-Nostra, la branche d’Al-Qaïda en Syrie, rebaptisé Front Fatah al-Cham en 2016.
Pur hasard ? Le CCIS a diffusé en septembre 2015 une interview du Saoudien Abdullah al-Muhaysini, le chef spirituel du front al-Nostra. Cette vidéo de 38 minutes, sous-titrée en anglais, en allemand et en français, a été visionnée plus de 100.000 fois sur YouTube, avant d’être retirée en septembre 2017. Ce qui a valu à Nicolas Blancho, Qaasim Illi et au germano-tunisien Naim Cherni, directeur de la production culturelle du Conseil central islamique suisse, d’être poursuivi par le Ministère public de la Confédération devant le Tribunal pénal fédéral en 2018 pour avoir propagé l’idéologie d’Al-Qaida. Les deux premiers ont été acquittés. Naim Cherni, l’auteur de la vidéo, a écopé de deux ans avec sursis. Il a fait appel, considérant que cette vidéo « s’inscrit dans un cadre journalistique ».
La barrière de la langue, que l’on appelle en Suisse le Röstigraben, fait que ce qui se passe dans la partie alémanique du pays est souvent passé sous silence sur les bords du lac Léman et en France. Ainsi, les médias francophones ne se sont-ils qu’épisodiquement intéressés au séjour de Malika El Around, la veuve d’un des assassins du commandant Massoud, dans la Confédération. Elle s’était remarié avec le Tunisien Moez Garsallaoui. Ce dernier, haut cadre d’Al-Qaïda, a été tué par un drone américain en octobre 2012 dans le Waziristân du Nord, dans les zones tribales du Pakistan.
Quant à Nicolas Blancho, profitant de l’indulgence des autorités suisses à son égard, il n’hésite plus à se lâcher, concédant être en lien avec des personnages figurant sur la liste terroriste des États-Unis et prônant que pour lui « le djihad armé fait partie des moyens de légitime défense pour un musulman » !

* Journaliste et écrivain, spécialiste des Frères musulmans