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Jacques Chirac tel que je l’ai connu

8 octobre 2019 News   10452  

Ma première rencontre avec Jacques Chirac fut organisée par Michel Baroin (le père de François Baroin, que Jacques Chirac considérait comme un fils). À l’époque, Jacques Chirac était maire de Paris et Michel Baroin, ancien chef de cabinet du président de l’Assemblée Nationale, Edgar Faure, était devenu PDG de la GMF (Garantie Mutuelle des fonctionnaires).

Par Roland Jacquard

Roland Jacquard avec Michel Baroin et Jacques Chirac


Quand Jacques Chirac a eu son accident de voiture en Corrèze, en novembre 1978, je lui ai rendu visite presque tous les jours, lors de sa convalescence. À sa sortie de l’hôpital Cochin, début 1979, il m’a demandé de l’aider à trier quelques photos et documents. J’ai appris alors à connaître le vrai Chirac, sensible, humain, si proche des gens et plein d’humour…
En 1986, nommé Premier Ministre, il m’a demandé de continuer à travailler discrètement avec lui, pour lui donner « les échos de la rue ». À cette époque, il m’a commandé également des rapports sur les risques terroristes en France.

Roland Jacquard avec Jacques Chirac en 1986


Depuis, nous n’avons jamais cessé d’être en relation directe, notamment sur ces sujets. Ainsi, après les attentats de Paris en 1995, il m’a confié un rapport sur les islamistes algériens du GIA, puis m’a mis en contact avec le Préfet de Police de l’époque, Philippe Massoni.

Le GIA (Groupe Islamique Armé) lui a ensuite envoyé une lettre l’enjoignant de se convertir à l’Islam. Je me rappelle des propos du Président Chirac à cet effet : « Ils me prennent pour un croisé. Que d’obscurantiste ! Mais vous verrez, un jour ils frapperont d’autres grands pays ».

Quelques années plus tard, quand je lui ai fait part de mes craintes à propos de Ben Laden (que j’avais rencontré au Soudan en 1994), le président Chirac m’a dit : « Je connais bien la famille, ils sont irréprochables, mais ils se méfient d’Oussama, trop illuminé ». Je lui ai alors exposé mes découvertes sur les réseaux Ben Laden : l’encyclopédie de djihad, les menaces à venir… etc.

Lettre adressée par Jacques Chirac à Roland Jacquard lui attribuant la légion d’honneur


En juin 2000, apprenant que j’étais convié par Bill et Hillary Clinton à un dîner privé au restaurant français La grenouille à New York, Jacques Chirac m’a demandé de passer un message au Président américain. Et lors de notre entretien, Bill Clinton m’a dit : « Vous remercierez le Président Chirac pour moi, il a toujours eu beaucoup de flair… »

Roland Jacquard et Bill Clinton lors d’un diner privé à New York en juin 2000


À cette époque, je terminais mon livre Au nom d’Oussama Ben Laden (la première biographie mondiale du chef d’al-Qaida), qui est paru le 10 septembre 2001 ! Après les attaques du 11 septembre, j’ai rencontré le Président Chirac, à l’Élysée, et il me confia : « Nous sommes maintenant tous en état de légitime défense. Mon bras ne faiblira pas. Mais, il faudra faire attention à ne pas attiser les haines »


Lettre adressée par Jacques Chirac à Roland Jacquard à l’occasion de la parution de son livre « Au nom d’Oussama Ben Laden »


Par la suite, je n’ai jamais cessé de parler, souvent le week-end, avec Jacques Chirac de ce qu’il appelait les « démons du siècle ».

Je me souviens aussi de ses propos admiratifs sur certaines monarchies arabes du Golfe, notamment les Emirats Arabes Unis : « Du désert ils ont fait un paradis et sont toujours de bon conseil ». Et aussi sur l’Afrique : « J’ai un faible pour les Africains, ils sont nature et aiment la France, et puis rappelons-nous le discours du général De Gaulle depuis Brazzaville… »

Je voudrais, pour finir, rendre hommage à Jacques Chirac et lui adresser un grand merci pour son humanisme, son ouverture d’esprit, sa grande patience et son affection profonde pour le peuple français.

* Écrivain et consultant, président du Roland Jacquard Global Security Consulting (RJGSC)