Les résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet ont engendré une crise politique inédite en France. Une impasse due à l’absence d’une majorité parlementaire suffisamment large pour pouvoir gouverner de façon sereine et durable. Cependant, en dépit des risques de blocage qui menacent d’ébranler les institutions de le Vème République, il existe au moins 4 raisons de se réjouir de l’issue de ce scrutin :
– Le RN se heurte encore et toujours à un ‘‘plafond de verre’’. Arrivé en tête aux Européennes et lors du premier tour des Législatives, le parti de Marine Le Pen a vu la tendance s’inverser radicalement, à sa défaveur, au second tour.
Le ‘‘cordon sanitaire’’ républicain, destiné à faire barrage à l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, s’est traduit par un nombre record de désistements de candidats qualifiés pour le second tour, faisant baisser le nombre de triangulaires de 306 à 89.
Et la forte mobilisation citoyenne – qui s’est traduite par un nombre record de procurations établies (3,2 millions) et un taux de participation (66,6 %) en progression de 19,4 % par rapport à 2022 – prouve que, malgré tous les efforts déployés pour le dédiaboliser et le banaliser, le Rassemblement national bute toujours sur le fameux ‘‘plafond de verre’’ républicain. Reste à savoir pour combien de temps encore (Lire page 8).
– Les rapports de force entre les partis de gauche sont rééquilibrés. Face au péril d’extrême droite qui pointait à l’horizon, à la suite d’une étrange dissolution intervenue dans la foulée d’un raz-de-marée du Rassemblement national aux Européennes, les partis de gauche ont fait le choix d’unir leurs forces dès le 1er tour des Législatives.
Et même si le poison de la division n’a pas tardé à se répandre de nouveau, la constitution du Nouveau Front populaire a permis non seulement une percée inattendue, qui a mis la gauche en tête avec 180 sièges à la nouvelle Assemblée, mais aussi un important – et, à terme, salutaire – rééquilibrage des rapports de force entre les différentes composantes de la gauche. Et ce dans le prolongement de la dynamique social-démocrate qui a vu le jour durant la campagne des Européennes. Ainsi, par rapport aux Législatives de 2022, le Parti socialiste a gagné 33 sièges et EELV 12. Alors que LFI stagne en perdant 1 siège.
– À défaut d’être isolé, le mélenchonisme est contenu. Fort du score obtenu par Jean-Luc Mélenchon au 1er tour de l’élection présidentielle du 10 avril 2022 (avec 21,95 % suffrages, il lui manquait à peine 400.000 voix pour accéder au second tour), La France insoumise a ‘‘vampirisé’’ l’alliance des partis de gauche (Nupes), mise en place lors des Législatives qui ont eu lieu deux mois plus tard : LFI s’est octroyée l’écrasante majorité des circonscriptions (326 contre 77 pour les écologistes, 70 pour le PS et 50 pour le PCF). De ce fait, le parti mélenchoniste s’est imposé comme la principale force de gauche à l’Assemblée, en obtenant 72 sièges contre 26 pour le PS, 23 pour EELV et 12 pour le PCF.
Et malgré la ‘‘prime aux sortants’’ au nom de laquelle LFI s’est octroyée la part belle lors des investitures pour les Législatives des 30 juin et 7 juillet derniers, dans le cadre du Nouveau Front populaire (229 circonscriptions, contre 175 pour le PS, 92 pour EELV et 50 pour le PCF), à l’issue du scrutin, LFI n’a obtenu que 71 sièges. Elle ne devance désormais le PS que de 7 sièges, alors que l’écart était de 46 en 2022. Et à cette perte de vitesse s’ajoute un autre revers infligé au mélenchonisme, à travers le plébiscite des électeurs pour les candidats dissidents de LFI ‘‘purgés’’ par Mélenchon : 74,1 % pour Danielle Simonnet à Paris, 65,9 % pour Hendrik Davi à Marseille et 57,1 % pour Alexis Corbière en Seine-Saint Denis (Lire page 14).
– Le social est dissocié de l’identitaire. Bien qu’il n’ait pas obtenu la majorité absolue, la percée du Nouveau Front populaire, arrivé en tête avec 180 sièges, aura inéluctablement pour effet – quelle que soit la composition de l’attelage politique qui sera mis en place pour former un gouvernement, à gauche ou au centre – de redonner aux revendications sociales la place centrale qu’elles n’auraient jamais dû quitter dans le débat politique et l’action gouvernementale.
Sous le quinquennat de François Hollande (2012-2017), la gauche a donné l’impression de substituer le sociétal au social : avancées historiques sur le premier (notamment avec le mariage pour tous) et reculs dramatiques sur le second (Loi travail de 2016…). Les errements de ‘‘l’en-même-temps’’ macroniste et les passages en force sur les réformes des retraites, du code du travail et de l’assurance chômage ont fini d’exacerber les frustrations et les ressentiments, donnant l’impression aux plus défavorisés des Français que seul le Rassemblement national se préoccupait, désormais, de la détérioration de leurs conditions de vie.
Sauf que le RN n’a de cesse d’amalgamer les problématiques sociales (pouvoir d’achat, déclassement social, déserts médicaux…) aux thématiques identitaires (immigration, intégration, insécurité…). Or, cet amalgame du social et de l’identitaire a toujours constitué le carburant dont se nourrissent tous les fascismes.