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Barrage à l’extrême droite : le ‘‘plafond de verre’’, jusqu’à quand ?

10 juillet 2024 News   65157  

Face au risque d’une victoire du Rassemblement national, qui aurait mis l’extrême droite au pouvoir, le salut est venu d’une mobilisation républicaine ralliant tous les démocrates. Le formidable sursaut citoyen du 7 juillet dernier a refréné les ambitions de Marine Le Pen et Jordan Bardella. Sauf que le ‘‘plafond de verre’’ se heurte à des clivages de plus en plus nombreux qui risquent d’entraver, à terme, ce ‘‘cordon sanitaire’’ destiné à maintenir l’extrême droite hors de l’arc républicain.

Par Atmane Tazaghart

D’aucuns pensaient l’idée de constituer un ‘‘Front républicain’’, pour barrer le passage à l’extrême droite, morte et enterrée. Or, il n’en est rien. Au lendemain du scrutin du 30 juin dernier, qui a vu le Rassemblement national arriver en tête avec 33,2% des suffrages, 224 candidats qualifiés pour le 2ème tour se sont désistés pour empêcher le RN d’obtenir la majorité parlementaire.

De ce fait, sur les 306 triangulaires et 5 quadrangulaires issues des résultats du 1er tour, il n’en restait plus que 89 triangulaires et 2 quadrangulaires. Preuve, s’il en fallait, que le ‘‘cordon sanitaire’’ destiné à maintenir le RN hors de l’arc républicain est encore opérationnel.

Pourtant, malgré les désistements massifs et les appels des leaders des principales formations politique à faire en sorte qu’aucune voix n’aille au RN, 1 électeur sur 2 dans le camp macronien et 1 sur 3 chez les électeurs de gauche se sont dit tentés par l’abstention !

La consigne de faire barrage à l’extrême droite bute de plus en plus sur la répulsion d’un ‘‘vote contre-nature’’. En effet, les outrances mélenchonistes rendaient pénible voire inenvisageable pour nombre d’électeurs du centre et de la droite de voter pour des candidats du Nouveau front populaire quand ceux-ci sont issus de La France insoumise. Idem pour les électeurs de gauche qui ont dû se faire violence pour à donner leurs voix à des candidats issus de la ‘‘macronie’’ dont ils n’ont eu de cesse de combattre les ‘‘réformes anti-sociales’’ depuis 2017 (suppression de l’ISF, réformes du code du travail, des retraites, de l’assurance chômage…).

Ce décalage entre les consignes des états-majors politiques et le ressenti des électeurs n’est pas seulement l’apanage de la ‘‘macronie’’ ou de la gauche. Il s’est illustré aussi, à droite, à travers la levée de bouclier engendrée, chez Les Républicains, par l’initiative d’Éric Ciotti de franchir le Rubicon, au lendemain de la dissolution, pour sceller une infamante alliance avec le Rassemblement national.

De Gérard Larcher à Laurent Wauquiez, de Xavier Bertrand à Valérie Pécresse, en passant par François Baroin, Éric Woerth ou Jean-François Copé, les ténors des Républicains ont tous affirmé que le fait de s’allier au Rassemblement national était une ‘‘trahison’’ de l’héritage gaulliste et chiraquien cher à leur courant politique. Or, un sondage réalisé par Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro (12/06/2024) a révélé que seul 1 sympathisant des Républicains sur 2 trouvait inadmissible de s’allier à l’extrême droite.

Cet écart entre les dirigeants de la droite et leur base n’est pas uniquement le fruit de 15 années d’efforts déployés par Marine Le Pen pour dédiaboliser et banaliser son parti. Y contribuent aussi les errements et les compromissions de la gauche : tout en jetant l’opprobre sur le RN – malgré tout le travail (sincère ou feint ?) que ce parti a accompli, depuis l’éviction de Jean-Marie Le Pen, pour se démarquer du passé raciste, antisémite et fascisant du Front national –, la gauche s’empresse d’absoudre les extrémistes de son propre camp.

En témoigne l’unanimité avec laquelle les partis de gauche ont admis le parti mélenchoniste au sein du nouveau ‘‘Front populaire’’, en dépit des multiples dérives (islamo-gauchisme, indigénisme, antisémitisme…) qui le placent aux antipodes des valeurs universalistes et humanistes constitutives de l’ADN de la gauche.

‘‘Plafond de verre’’ fissuré ? 

Ce double standard a pour effet de détourner une part grandissante des électeurs de droite de l’idée d’un ‘‘front républicain’’ dont ils déplorent – à juste titre – un fonctionnement à sens unique, alors qu’il serait plus équitable qu’il s’applique à tous les extrêmes, de droite comme de gauche.

Pis encore, et c’est un phénomène tout autant inédit qu’inquiétant, ce déni par la gauche des dérives de certaines de ses composantes semble affecter les électeurs de gauche eux-mêmes. La preuve en est que l’intégration de LFI au sien du Nouveau Front populaire a rebuté une part non négligeable des sympathisants de gauche. Tant et si bien qu’un sondage (Ifop-Fiducial pour LCI, Le Figaro et Sud Radio), réalisé les 10 et 11 juin, indiquaient que le score total des quatre principales formations de gauche (Parti socialiste, Parti communiste, LFI, EELV) allait être plus élevé (32 %) dans l’hypothèse où elles aborderaient les élections législatives chacune de son côté, contre 25 % seulement dans le cas où elles se présenteraient unies au sein d’une seule alliance.

Une indication confirmée par le résultat obtenu par le Nouveau Front populaire, le 30 juin dernier : 27,9% des suffrages. Et malgré l’inversion de la tendance au second tour, en raison de la forte mobilisation citoyenne contre l’extrême droite, l’hostilité au parti mélenchoniste s’est confirmée dans les urnes : malgré la percée du NFP, arrivé en première position avec 182 sièges dans la nouvelle Assemblée, LFI a perdu 1 siège par rapport aux législatives de 2022, alors que le PS en a gagné 33 et EELV 12.

Pis encore, les frondeurs de LFI, ‘‘purgés’’ par les mélenchonistes, ont été plébiscités par les électeurs. Ainsi, Danielle Simonet s’est vue réélue à Paris, avec une majorité écrasante de 74,1%, tout comme Hendrik Davi (65,9%) à Marseille et Alexis Corbière (57,1%) en Seine-Saint Denis.

La multiplication de ce type de clivages risque de conduire, à terme, à l’érosion du ‘‘cordon sanitaire’’ républicain. Ce qui menace de rendre le ‘‘plafond de verre’’ anti-RN inopérant ou insuffisant lors des scrutins à venir. Raison pour laquelle il serait urgent de substituer au concept de ‘‘front républicain’’, destiné exclusivement à faire barrage à l’extrême droite, un principe de ‘‘tri sélectif’’ républicain qui aura pour objectif d’isoler politiquement et bloquer par les urnes tous ceux que les outrances et les dérives placent hors de l’arc républicain, de quelque bord politique qu’ils se revendiquent.

Durant la campagne des législatives, plusieurs outils ont été mis à la disposition des électeurs désireux de pratiquer ce type de ‘‘tri sélectif républicain’’, parmi lesquels le média en ligne StreetPresse, qui a multiple les révélations sur les dérives racistes et antisémites des candidats RN (lire page 26) et le blog ‘‘bloquonsles.wordpress.com’’, l’un des plus rigoureux et documentés dans le recensement des candidats (tous bords politiques confondus) ayant des propos ou des comportements anti républicains (racistes, antisémites, xénophobes, homophobes, misogynes …).

En alimentant le débat citoyen sur les réseaux sociaux, ces outils numériques ont joué un rôle déterminant dans l’émergence de la dynamique républicaine qui a reversé la tendance lors du second tour des législatives.