fbpx
 
 

Pour une lecture optimale, téléchargez gratuitement l'Appli GWA pour tablettes et smartphones
Gene J. Puskar/AP/SIPA

 

Donald Trump : vers un remake du western bienaimé ?

3 novembre 2024 News   69426  

Avec lui, c’est le retour au paradis perdu des grands espaces de l’ouest américain. Shérif armé menant sa caravane, le candidat Républicain surfe sur les vertiges d’une Amérique déboussolée.

Par Lydie Steurel

Ah, s’il avait pu en rester à sa glorieuse image d’animal blessé lors de la tentative d’assassinat du 13 juillet dernier ! Donald Trump, la tempe ensanglantée, se relevant en s’arrachant à ses gardes. Pendant quelques minutes, il fut son rêve : le héros, le survivant. Puis, Biden déclara enfin forfait et vint l’élégante Kamala, la gazelle démocrate que l’on n’attendait pas. Mais l’image du 13 juillet 2024 restera, comme le concentré de ce qui électrise les foules, les magnétise et les envoûte. Le retour au paradis perdu du dominant des grands espaces, du John Wayne faisant claquer les balles pour protéger la caravane.

Avec Donald Trump, la moitié de l’Amérique attend que le train siffle une quatrième fois pour sauter sur le marchepied du passé. Le passé, c’est ce qui reste quand on a peur de tout perdre, quand on a déjà tout perdu. Le passé, c’est l’argument massue de ceux qui mettent l’avenir en pointillé, pas très calés sur la suite du programme. À ne pas confondre, bien sûr, avec ceux – celles – qui savent le doser avec une lucidité au présent. Pas de ça avec Trump : lui, c’est le passé brut, brutal, la force qui va.

Les messianistes américains, ces évangélistes avides d’une belle apocalypse, l’adorent. Et, avec eux, tous les ‘‘grands enfants’’, comme on définissait nos amis d’outre-Atlantique dans les années 1960. C’était bête mais ça parlait autant d’eux que de nous, Français fascinés par leurs westerns comme ils l’étaient de nos sagas de cape et d’épée.

À l’Ouest, rien de nouveau : Trump veut toujours y reconduire son troupeau. Pour mythifier et moutonner à perte de vue. Pourquoi se le cacher et s’en étonner comme les belles consciences dopées à la moraline : les hommes et les peuples ont aussi besoin de ça ! Sinon, l’enfer des guerres civiles, régionales et mondiales, aurait sombré depuis longtemps dans un océan de douceur.

Trump n’est pas une caricature mais une réalité. Dans un bestseller déjà ancien, intitulé ‘‘Art of the deal’’ et renié depuis par le journaliste qui l’a aidé à l’écrire, il plaidait pour le droit à l’excès sur la route du succès. C’est évident comme le regret de l’enfance en chacun de nous : l’extrême est le premier mouvement des êtres. Ensuite seulement, vient le patient polissage civilisationnel, citoyen et démocratique. Ce qui semble conforter la théorie du cerveau reptilien, popularisée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par des chercheurs américains.

Le grand romancier Arthur Koestler la résumait ainsi : « C’est un peu comme si un psychiatre étendait son patient sur le divan pour lui demander de coexister avec un cheval et un crocodile ! » La théorie a été battue en brèche par les dernières découvertes scientifiques mais cela n’enlève rien à la pertinence ironique d’Arthur Koestler, ce Juif hongrois qui a tant souffert du reptile nazi. Bien sûr, toutes les couches cérébrales communiquent entre elles, mais elles interviennent à des degrés et des stades différents selon les suggestions.

Donald Trump étend effectivement l’Amérique sur son divan avec le cheval cabré du grand shérif et le crocodile prêt à bouffer les autres monstres. Le shérif est armé. Comme le revendique Trump, devenu le prophète des braves types qui se croient cernés dans leur bunker.

Bien sûr, le réel est ailleurs. Notamment dans cette phrase du survivant d’une tuerie dans un lycée de Parkland, en Floride, en 2018 : « Je sais que tout le monde ici se battra le reste de nos vies pour des lois raisonnées dans ce pays, pour que les enfants n’aient pas à craindre d’aller à l’école… ». Les fusillades de masse ont continué et, cependant, les amants du vertige Trump en tiennent toujours pour le candidat 100 000 volts des 100 000 colts en liberté.

Les amantes aussi. Parce que, figurez-vous, malgré MeToo, les femmes sont légion à désirer Donald ! Cherchez la femme blanche : elle a voté pour l’homme en 2020 et les sondages la donnent encore plus pâmée aujourd’hui, surtout si elle est peu diplômée et habitante de la périphérie. Selon le Financial Times, « la masculinité outrancière du Républicain a quelque chose de rassurant aux yeux de nombreuses électrices blanches. Parce qu’elles côtoient des hommes du même acabit au quotidien. Parce qu’elles sont convaincues qu’un macho bombant le torse est plus qualifié pour mener une lutte musclée en faveur de l’emploi et contre la flambée des prix. »

Autant dire que les illusions néo-féministes ont besoin d’un bon lifting… !