Depuis l’annonce des premiers résultats de l’élection présidentielle américaine, les vidéos diffusées face caméra sur TikTok où les utilisateurs se filment tantôt exultant, tantôt éclatant en sanglot sont légion. Il faut dire que les réseaux sociaux (Instagram, TikTok et X, exTwitter) ont été un atout primordial dans la course à la présidence des États-Unis.
Par Nora BussignyAvec 388 messages par seconde et plus de 33,5 millions en 24h, la présidentielle américaine a secoué les réseaux sociaux, comme le rapporte la plateforme de veille numérique Visibrain. Des statistiques affolantes, qui sont près de deux fois supérieures à la précédente élection de 2020. Depuis janvier dernier, avec plus d’un milliard de messages postés au sujet de l’élection américaine, les présidentielles ont enregistré des records sur les réseaux sociaux. Des plateformes cruciales pour briguer la Maison-Blanche comme l’ont parfaitement compris les deux candidats Donald Trump et Kamala Harris. Et cela ne date pas d’hier, Barack Obama avait, le premier, mobilisé ses équipes pour inciter les électeurs sur les réseaux à aller voter lors des élections de 2008.
Kamala Harris star de TikTok
Kamala Harris est progressiste, inclusive et même accusée de ‘‘wokisme’’ ou de ‘‘pink washing’’ (c’est-à-dire utiliser la cause progressiste à des fins marketings), et ses équipes ont compris que la place de la candidate démocrate était sur TikTok. Le réseau social chinois, extrêmement prisé des jeunes, permet de viraliser en un instant des vidéos postées en ligne. Avec deux fois plus d’abonnés que Donald Trump, Kamala Harris est suivie par plus de 6,1 millions de personnes sur TikTok malgré un engagement récent sur l’application. Avec des vidéos qui dépassent plusieurs millions de vues, l’équipe de Kamala Harris a publié en moyenne une vidéo par jour comme le précise Visibrain, soit trois fois moins que Donald Trump. Le hastag #TogetherWithKamala lancé sur les réseaux sociaux par les équipes de la candidate démocrate proposait par exemple aux électeurs de raconter une anecdote ou une histoire en lien avec l’égalité, le progressisme et la justice sociale. Sa vidéo, ‘‘Thank you America’’ a particulièrement marqué TikTok et enregistre plus de 24 millions de vues. Avec à ses côtés des célébrités comme Eminem, Beyoncé, George Clooney ou Bruce Springsteen, Kamala Harris a pu compter sur le soutien d’alliés de poids. En particulier Taylor Swift, dont l’engagement pour la candidate démocrate est le plus mentionné sur les réseaux sociaux.
Elon Musk, l’arme de destruction massive de Trump
Des soutiens, une tactique 2.0 et une équipe de communication hors pair n’ont cependant pas suffi à Kamala Harris pour remporter la victoire. Une victoire qui pouvait sans doute déjà se deviner grâce aux statistiques des réseaux sociaux. D’après Visibrain, la condamnation de Donald Trump par la justice pénale et sa tentative d’assassinat ont été les deux évènements de l’année les plus commentés en ligne autour de l’élection présidentielle, avec notamment 22 millions de messages publiés le 14 juillet.
Autre point fort, le hastag #SecureOurBorders utilisé en ligne pour dénoncer la politique d’immigration aux États-Unis a été massivement repris par les soutiens de Donald Trump afin d’avertir les électeurs que seule son élection pourrait sauver l’Amérique.
24 heures avant les résultats, soit le jour du vote, le candidat Républicain était au centre de près de 20 millions de messages sur les réseaux sociaux selon Visibrain. « À titre de comparaison, c’est trois fois plus que pour la candidate démocrate », analyse Marie Guyomarc’h de Visibrain. Peu de temps auparavant, la vidéo de Donald Trump chez McDonald’s a fait partie des plus visionnées de son compte TikTok. Un pied de nez envers la candidate Kamala Harris, où son opposant la raillait en prétendant avoir travaillé plus longtemps qu’elle chez McDonald’s.
Mais, d’après les analystes, la victoire de Trump semble être aussi celle d’Elon Musk. Le milliardaire, fondateur de SpaceX, Tesla et détenteur de X (ex-Twitter) n’a plus caché son soutien assumé, et même financier envers Donald Trump.
Outre un don de plus de 120 millions de dollars à la campagne républicaine, Elon Musk avait rétabli le compte Twitter de Donald Trump dès le rachat du réseau social en 2022. « Elon Musk, on serait ravi de l’avoir dans notre administration. On est très inclusif », avait déclaré Donald Trump peu avant les élections. En réponse, le milliardaire avait affirmé publiquement sur X avoir « hâte de servir l’Amérique si l’occasion se présente », et bien sûr « sans salaire, sans titre, sans reconnaissance ».
D’après des révélations de The Wall Street Journal, l’algorithme de X met en avant délibérément les contenus en faveur de Donald Trump. Des informations qui sont d’ailleurs corroborées par l’engouement manifeste d’Elon Musk sur son compte personnel suivi par plus de 200 millions d’utilisateurs.
Avec des milliers de tweets en faveur de Trump, sa politique ou encore des sujets portés par le candidat Républicain, Elon Musk a également été accusé de diffuser des fakes news. En effet, le milliardaire a par exemple relayé la fausse information concernant le gouvernement Biden, accusé à tort d’avoir détourné les fonds d’aide prévus pour les victimes des ouragans Milton et Helene afin de financer l’immigration.
Ingérences et fake news
Mais l’engouement 2.0 en faveur de Donald Trump ne peut décemment être critiqué sans aborder la question des ingérences russes sur les réseaux sociaux. Sur X, les fausses vidéos montées de toutes pièces sont rapidement virales, à l’instar de la fake new diffusée en septembre accusant Kamala Harris d’avoir percuté une adolescente sur la route. Une fausse information, pourtant visionnée plus de 5 millions de fois avant sa suppression et ce en pleine campagne électorale. Les liens de l’auteur du fake new avec la Russie ont pu être établis par la suite.
Même chose lorsqu’un réseau pro-russe, comme l’attestent par la suite les services de renseignements américains, a diffusé une vidéo où l’on peut voir un homme s’en prendre aux bulletins de vote de Donald Trump en Pennsylvanie. Une information rapidement démentie par l’État, mais qui a eu le temps de donner l’impression aux électeurs qu’on les empêchait de voter pour Donald Trump et qu’ils ne pouvaient pas avoir confiance dans les résultats…