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Youssef al-Qaradhawi : La fin tragique du prétendu discours modéré des Frères musulmans ?

4 octobre 2022 Expertises   24594  

Hmida ayachi
Hmida ayachi

Cheikh Al-Qaradhawi vient de décéder à un âge avancé. Sa mort est devenue l’objet de controverse entre ceux qui se sont recueillis sur sa mémoire et considèrent sa disparition comme une perte pour la pensée islamique et l’esprit modéré de la prédication, et ceux qui le tiennent pour responsable du sang versé par des Musulmans, de la justification de l’extrémisme, de l’allégeance aux régimes corrompus et despotiques et l’élaboration de fatwas motivées par des manœuvres politiques liées au auxdits régimes.

Par H’mida Ayachi*

Doit-on en vouloir seulement à Youssef al-Qaradhawi ou plutôt attribuer ses dérives aux limites de la pensée des Frères musulmans qui ont toujours adopté une stratégie à deux vitesses : appel à la fraternité et à la modération , quand on a besoin d’alliés et de soutiens face au despotisme ; recours à l’exclusion, à l’extrémisme et au totalitarisme dès qu’ils détiennent le pouvoir et se retrouvent en position de force ?

Cela s’est vérifié, de façon retentissante,  quand les Frères musulmans en Egypte ont manœuvré avec le Conseil militaire pour faire avorter la révolution des jeunes égyptiens. Et quand ils ont pris le pouvoir, devenant eux-mêmes de nouveaux despotes, avant d’être renversés par l’un de leurs anciens alliés militaires : Abdel Fattah al-Sissi.

Al-Qaradawi représente de manière éclatante et tragique cet itinéraire ambivalent et contradictoire des Frères musulmans sur le plan politique. Cela l’a amené, en définitive, à participer aux dérives sanguinaires de l’islam politique.

Dès ses premiers écrits, al-Qaradhawi choisi de faire le procès de l’Occident. Mais, il n’a pas hésité à s’y réfugiant, pour en faire une base arrière pour combattre l’autoritarisme arabe moyen-oriental. Et ce faisant, il a fini par fermer les yeux sur les ingérences politiques occidentales dans les pays musulmans, acceptant même de devenir un porte-voix idéologique et un serviteur zélé de l’OTAN, lorsque ses protecteurs des pays du Golfe ont décidé d’abattre des régimes arabes qui refusaient de d’être se soumettre à leur diktat.

Youssef al-Qaradawi a aussi servi de façade politico-religieuse à un plan destiné à mettre les révolutions arabes sous la coupe l’islam politique, les détournant ainsi de leurs aspirations démocratiques, pour les transformer en contre-révolutions obscurantistes.

On ne peut séparer les idées de Youssef al-Qaradhawi de son parcours et ses pulsions personnelles, qui trahissent une ambivalence et une faiblesse à la fois humaine et conceptuelle, et qui ont activement contribué à mettre fin au rêve démocratique dans le monde arabe. Tant et si bien que mort d’al-Qaradhawi marque aussi la mort de l’esprit de modération dont les Frères musulmans se sont longtemps prévalus. Cette prétendue modération s’est effondrée d’une manière spectaculaire qui rappelle la fin tragique de l’idéologie communiste de la dictature du prolétariat !

* Essayiste et Islamologue algérien, dernier ouvrage paru ‘‘Réflexions sur l’islam secret, le religieux contre le politique’’