Coup sur coup, Islamic Relief Worldwide, la principale ONG islamiste de Grande-Bretagne, a été contrainte de se débarrasser de deux de ses principaux dirigeants. Le premier pour des textes antisémites, le suivant pour avoir chanté la gloire du Hamas et des Frères musulmans.
Par Atmane TazaghartHeshmat Khalifa ne fait pas vraiment dans la demi-mesure. Si l’on en croit sa prose sur les réseaux sociaux, révélée en août par le Times, les juifs seraient des « petits-enfants de singes et de porcs ». Quant au président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, il est qualifié de « proxénète sioniste » et de « criminel sioniste ». Le problème, c’est que Heshmat Khalifa n’est pas un obscur collaborateur d’Islamic Relief, mais son directeur et l’un de ses administrateurs, entré à l’ONG depuis 1999. Un homme suffisamment respectable pour qu’il soit reçu par la princesse Anne, princesse royale, comme le montre une illustration du quotidien britannique.
Heshmat Khalifa s’est platement excusé, jurant qu’il ne voulait pas « insulter la communauté juive », et qu’il n’avait pas « d’opinions antisémites », jurant qu’il a « consacré une grande partie de [sa] vie à promouvoir la tolérance et la liberté de religion et de croyance ».
Vraisemblablement à regrets, devant l’ampleur scandale, Islamic Relief a été contraint de se passer de ses services. Cette ONG, fondée en 1984, et dont le siège est à Birmingham, ne jure-t-elle pas qu’elle agit « dans une stricte neutralité, sans distinction de race, de sexe ou de religion » ?
Mais apparemment, cette œuvre caritative, forte d’une centaine de bureaux dans quarante pays à travers le monde, n’a pas eu la main très heureuse pour lui désigner aussitôt un successeur à son directeur déchu, en la personne d’Almoutaz Tayara. Ce dernier n’en semble pas non plus cultiver une admiration sans borne pour Israël, qu’il qualifie d’« ennemi sioniste ». Précédemment membre de la branche allemande d’Islamic Relief, il considérait le Hamas comme le « plus pur mouvement de résistance de l’histoire moderne », qualifiant ses dirigeants de « grands hommes qui répondaient à l’appel divin des Frères musulmans ». Sachant que le Hamas, à travers sa branche militaire, les brigades d’Izza al-Din al-Qassem, est considéré par l’Union européenne et par le Royaume-Uni comme une organisation terroriste.
D’une part, cette déclaration est plutôt embarrassante pour Islamic Relief, qui a toujours affirmé n’avoir aucun lien avec les Frères musulmans. D’autre part, les écrits d’Almoutaz Tayara, qui remontent à 2014 et 2015, étaient connus de la branche allemande d’Islamic Relief, qui l’a pourtant autorisé à rester dans son conseil d’administration. Comme son prédécesseur, Almoutaz Tayara a aussitôt déclaré qu’il « regrettait profondément ses textes », rédigé dans un état de détresse en raison du conflit israélo-palestinien. Il a, lui aussi, juré qu’il n’était pas antisémite et ne soutenait pas les Frères musulmans. Mais il a subi le même sort que Heshmat Khalifa, à savoir l’expulsion (du moins officiellement) de l’ONG.
Malgré ce grand nettoyage et l’affirmation de sa condamnation de l’antisémitisme, son rejet du terrorisme et sa volonté de rechercher à maintenir « les plus hauts standards de neutralité », Islamic Relief Worlwide sort sérieusement affaibli après les révélations du Time. Car, derrière les belles déclarations d’intention de l’ONG, les médias et l’opinion publique s’interrogent sur les vraies valeurs que défend en sous-main cette institution caritative.
D’autant qu’elle s’est faite une spécialité d’œuvrer dans les pays et les zones réputées inaccessibles, comme la Somalie, le Yémen, ou encore Idlib en Syrie. Fournit-elle seulement de la nourriture, des médicaments, des soins aux populations ? Ou épouse-t-elle les idées de groupes islamistes radicaux qui activent dans ces pays ?
Par ailleurs, il est tout de même étonnant que de hauts dirigeants d’Islamic Relief, que l’on imagine fort prudents, puissent ainsi parfois se lâcher sur les réseaux sociaux. Le quotidien britannique rappelle d’Islamic Relief reçoit des subsides très substantiels des organisations internationales. A commencer par l’ONU, dont il est membre consultatif au Conseil économique et social à Genève ! L’ONG islamiste compte parmi ses partenaires financiers l’Union européenne, le PAM (Programme alimentaire mondial), le HCR (Haut-Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés), l’OMS, l’Unicef, les sociétés nationales du Croissant-Rouge et de la Croix-Rouge, etc.
Entre 2009 et 2018, le budget d’Islamic Relief aurait été, selon le Time, de 966 millions de livres sterling (1,06 milliard d’euros). Dans son rapport annuel de 2018, l’ONG assure avoir fourni une aide d’urgence à 3,9 millions de personnes, soutenu 60.000 orphelins et amélioré « trois millions cinq cent mille vies » grâce à ses projets de développement.
Bien avant le 11 septembre 2001, Islamic Relief a été suspecté d’entretenir des liens avec les Frères musulmans et même avec Al-Qaïda. Le 16 mars 2000, la lettre confidentielle Le Monde du Renseignement (devenu depuis Intelligence Online), dans un article intitulé « Arabie saoudite : qui veut réellement stopper Ben Laden ? », évoquait « plusieurs structures qui épaulent notoirement Al-Qaïda, l’organisation islamiste d’Oussama. Tel est le cas du Secours Islamique (Islamic Relief), une association caritative liée à l’Organisation des Frères musulmans, et qui est particulièrement présente en Albanie et dans le Caucase ».
Toutefois les connections de l’ONG britannique avec la Confrérie et avec la mouvance djihadiste, souvent évoquées, n’ont jamais été formellement prouvées. Et en France, le Secours Islamique a, contre toute évidence, toujours affirmé ne pas posséder de liens avec son grand frère basé à Birmingham.