Alors que Taïwan a alerté l’OMS de l’émergence du Covid-19 et de la possibilité d’une transmission entre humains, plusieurs semaines avant la Chine, l’institution spécialisée de l’ONU continue à boycotter Taipei, à la demande de Pékin.
Par Ian HamelDavid Huang, le représentant de Taïwan en Suisse, a lancé un violent coup de gueule dans la presse locale. « Le 31 décembre, Taïwan a informé l’OMS et les États-Unis d’une potentielle transmission du Covid-19 entre humains. Nous n’avons pas employé ce terme, mais nous avons mentionné une pneumonie atypique causée par un virus semblable au SRAS et nécessitant des mesures de quarantaine. Cela implique une transmission entre humains », déclare-t-il dans le quotidien Le Temps de Lausanne. Or, il faut attendre le 22 janvier pour qu’un comité d’experts de l’OMS en déplacement à Wuhan, se contente d’écrire que « les sources suggèrent qu’une transmission entre humains se produit à Wuhan », et que « des analyses plus approfondies sont nécessaires pour comprendre l’étendue de cette transmission ». Et ce n’est que le 11 mars 2020 que l’Organisation mondiale de la santé parle enfin de « pandémie ». Un retard inadmissible qui a sans doute provoqué la mort de dizaines de milliers de personnes dans le monde.
Alors que Taïwan apparaît comme l’un des pays qui gère au mieux la crise du coronavirus, avec seulement 426 cas et six morts dans ce pays de vingt-trois millions d’habitants, le bureau régional de l’OMS pour le Pacifique occidental refuse tout contact avec ce pays, et ne lui fournit pas d’informations sanitaires régionales. L’organisation internationale refuse même de certifier les vaccins produits par Taïwan. Certes, on ne peut pas reprocher à l’OMS de défendre le principe d’une seule Chine. Néanmoins, pourquoi se refuser à utiliser les compétences de ce petit territoire qui dispose d’un des meilleurs systèmes de santé sur la planète ? D’autant que Taïwan bénéficiait autrefois d’un statut d’observateur. Jusqu’à ce que Tedros Adhanom Ghebreyesus, l’actuel directeur général de l’OMS, le supprime dès son élection en 2017. Premier africain élu à ce poste, ce médecin éthiopien est accusé d’être à la solde des Chinois. Et pas seulement par le président américain. « L’OMS, une marionnette chinoise ? », titrait récemment le site Mediapart.
Dans un article au vitriol, intitulé « Un défi pour le multilatéralisme : l’instrumentalisation de l’Afrique par la Chine et ses conséquences sur les décisions de l’OMS », Valérie Niquet, maître de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), rappelle que Tedros Adhanom Ghebreyesus a été élu à la tête de l’OMS grâce à un soutien très actif de Pékin. Mais aussi que la Chine est « la première source d’investissements étrangers et le premier partenaire commercial de l’Éthiopie. Entre 2005 et 2019, le montant cumulé des investissements chinois a atteint 8 % du total pour l’ensemble de l’Afrique sub-saharienne. L’Éthiopie se situe au deuxième rang des pays récipiendaires africains ». Par ailleurs, le siège régional de l’agence Xinhua, l’un des principaux organes de l’appareil de propagande extérieure du parti communiste chinois est installé à Addis-Abeba.
Ce n’est pas tout. Tedros Adhanom Ghebreyesus, ancien ministre de la Santé, puis des Affaires étrangères d’Éthiopie, aujourd’hui âgé de 55 ans, a aussi une reconnaissance du ventre pour l’Empire du Milieu. En effet, il était membre de l’organisation communiste révolutionnaire éthiopienne, le Front de libération du peuple du Tigray, qui était soutenu par la Chine. Marxiste-léniniste, cette organisation luttait dans les année 1970-1980 contre le pouvoir d’Addis-Abeba, alors appuyé par Moscou… Dès les années 90, le Front de libération du peuple du Tigray, arrivé au pouvoir, change de nom et abandonne toute référence au marxisme-léninisme. Mais la solidarité demeure vis-à-vis du grand frère chinois. Tedros Adhanom Ghebreyesus n’avait pas non plus oublié un autre compagnon de lutte soutenu autrefois par la Chine en Afrique, le tristement célèbre Robert Mugabe, l’ancien dictateur du Zimbabwe. En octobre 2017, il l’avait choisi comme… ambassadeur de bonne volonté de l’OMS pour aider à lutter contre les maladies non transmissibles en Afrique. Mais confronté à une levée de boucliers, le nouveau directeur général de l’OMS avait été contraint de renoncer à cette nomination plus que controversée.