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Index de la puissance globale de l’Organisation Internationale des Frères musulmans

3 mai 2024 Investigations   136820  

Un groupe de chercheurs du centre émirati Trends Research & Advisory, de l’Université de Montréal et de ‘‘Pluriel’’, la plateforme universitaire de recherche sur l’islam basée à Lyon, collaborent depuis 2021 pour produire le premier index académique capable de mesurer l’influence globale des Frères Musulmans. Ils viennent de rendre public leur premier rapport portant sur la période 2022/2023. Extraits exclusifs.

Depuis des années, des controverses entre chercheurs persistent autour de l’Organisation Internationale des Frères musulmans (OIFM) et la nature de son rôle, car cette organisation incarne l’un des plus importants aspects de la puissance des Frères musulmans et de sa cohésion à l’échelle internationale. En effet, elle représente la façade organisationnelle et politique sur la scène internationale sous laquelle s’unissent la fondation-mère en Egypte et ses branches multiples autour du monde. De plus, elle joue un rôle éminent pour renforcer l’influence des Frères musulmans sur la scène internationale en tissant un réseau de relations avec des institutions et des États divers, en diffusant son idéologie et son projet intellectuel, notamment au sein des sociétés occidentales.

Depuis leur début en 1928, les Frères musulmans ont cherché à insuffler une légitimité religieuse à leur confrérie, et à exporter l’idée selon laquelle elle défend la nation islamique. Ainsi a-t-elle, dès ses débuts, fondé plusieurs institutions religieuses officieuses et supranationales, à l’instar de ‘‘l’Union mondiale des oulémas musulmans’’, fondée en 2004 par Youssef Qaradaoui, membre des Frères musulmans. Vu le rôle de cette organisation internationale dans la consolidation du pouvoir des Frères musulmans sur la scène mondiale, l’amélioration de sa réputation à l’extérieur, la défense de ses intérêts et de ses orientations intellectuelles, et son extension internationale, il est de coutume que les Frères musulmans lui choisissent un groupe de leaders dotés de grandes compétences organisationnelles et de larges relations internationales. En effet, ceux-ci doivent être capables de s’adresser au monde extérieur et à l’opinion publique internationale, de traiter avec différents organes de renseignement, et de tisser des partenariats avec les institutions de la société civile internationale. C’est le cas par exemple du leader des Frères musulmans, Youssef Nada, connu pour être le délégué des Frères musulmans au niveau international.

L’OI des Frères musulmans jouit par ailleurs d’une importance capitale au sein des Frères musulmans, non seulement en tant que bras international, mais aussi comme l’une de ses principales sources de financement. Mieux encore, elle gère ses réseaux financiers et ses affaires à l’étranger, possède des relais médiatiques influant dans plusieurs pays européens qui facilitent son impact sur l’opinion publique internationale ainsi que la réalisation de ses objectifs et son projet politique. L’idée de créer l’OIFM avait émergé dans le but de concrétiser leur quête de ce qu’ils appellent la « maitrise du monde » (ustâdhiyyat al-âlam), de rétablir la « renaissance du califat islamique » et d’assurer la « prédication globale »10.

Par conséquent, l’évaluation de la puissance de cette organisation internationale représente le premier indicateur principal pour évaluer la puissance globale des Frères musulmans sur la scène internationale et régionale. C’est qu’il existe une relation directe entre la puissance de l’organisation internationale des Frères musulmans et celle reliée aux organisations à l’échelle régionale ou nationale. Cela signifie que lorsque cette organisation internationale est solide, forte, et agissant comme un bloc soudé, les branches locales jouissent à leurs tours des retombées positives de cette puissance et de sa cohésion, et inversement. Cela nécessite donc d’examiner et d’analyser les indicateurs de puissance de cette organisation internationale et ses divers aspects, pour apprécier la situation réelle des Frères musulmans.

Dans les lignes suivantes, nous présentons l’indicateur principal de puissance de l’OIFM ainsi que ses composantes, c’est-à-dire ses sous-indicateurs spécifiques. L’analyse de l’ensemble de ses sous-indicateurs spécifiques à l’étude de l’OIFM permet de mesurer son niveau de puissance. Enfin, les résultats de l’observation de ses sous-indicateurs de la puissance de l’OIFM sont à leur tour présentés et analysés.

2.1 Définition de l’indicateur principal de puissance de l’OIFM et de ses sous-indicateurs selon leur ordre d’importance

2.2.1 Définition de l’indicateur principal

L’objectif principal de l’OIFM est de créer une interconnexion entre les différentes branches des Frères musulmans dans le monde, de coordonner leurs positions autour des problèmes posés sur la scène internationale et celles plus régionales, ainsi que de les mobiliser pour atteindre ses objectifs stratégiques et influencer l’opinion publique et les décideurs dans le monde, en particulier dans les régions jouissant d’une importance capitale pour elle.

On entend par la puissance de cette organisation internationale sa solidité, sa légitimité et son acceptation auprès des sociétés, ainsi que l’évaluation des niveaux de soutien qui lui sont offerts par des groupes sympathisants avec ses idées et ses orientations. Le tout permet d’appréhender les capacités et l’influence des Frères musulmans au niveau international et de mieux connaitre le soutien extérieur que l’OIFM offre aux branches régionales voir nationales et locales des Frères musulmans. En outre, nous incluons dans l’indicateur de puissance de l’OIFM la capacité de ses décisions à orienter efficacement les diverses branches des Frères musulmans dans le monde.

2.2.2 Les sous-indicateurs

Ce sont l’ensemble des indicateurs spécifiques à l’étude et l’analyse de l’OIFM permettant de mesurer sa puissance internationalement. On compte cinq sous indicateurs.

Le premier sous-indicateur est celui de « la légitimité de l’organisation », c’est-à-dire à quel point il est permis à l’organisation de travailler dans un pays donné.  De quels types de relations jouit-elle auprès des autorités nationales : est-elle reconnue, tolérée ou interdite ? Travaille-t-elle, oui ou non, dans un cadre juridique déterminé ? De quel degré de liberté jouit-elle eu égard aux lois et aux jurisprudences en vigueur dans un pays donné ? Ajoutons à tout cela le niveau de liberté de mouvement dont elle jouit (résidence, visites, tenu de réunions, présence en général).

Le deuxième sous-indicateur est « la cohésion de l’organisation et son contrôle des branches locales », c’est-à-dire la capacité de l’organisation (ou son incapacité) à orienter et à guider les branches, ainsi que sa structure organisationnelle qui lui permet de les contrôler sans provoquer des dissensions et des divisions internes. En d’autres termes, cet indicateur est censé mesurer l’engagement des branches régionales, nationales et locales et les réponses qu’elles donnent aux décisions prises par l’OIFM, ainsi que leurs affinités avec les obligations imposées par cette dernière.

Le troisième sous-indicateur est « l’acceptation de l’organisation auprès des sociétés ». On entend par là le degré d’acceptation de l’organisation et de ses activités auprès des individus et des corps intermédiaires telles que les syndicats professionnels et ouvriers, les médias, les associations civiles, les courants et les partis politiques, ainsi que leurs volontés de coopérer avec elle à certains moments, en organisant conjointement des activités culturelles, sociétales ou politiques, ou même de participer aux activités organisées par l’organisation elle-même.

Le quatrième sous-indicateur est « la structure de l’organisation, sa formation, et la centralité dans ses prises de décision », c’est-à-dire l’ampleur des conséquences de la structure de l’organisation sur la centralisation et la facilité de prise de décision, ainsi que l’efficacité de la construction organisationnelle dans l’émission de décisions contraignantes. Le cinquième et dernier sous-indicateur est intitulé « les lobbies soutenant les orientations de l’organisation mondiale ». Il fait référence à des groupes qui soutiennent spontanément ou avec financement les orientations de l’organisation internationale. Les lobbies peuvent être des institutions de la société civile, des centres de réflexion et d’études, des partis favorables, des médias ou des individus qui font la promotion de l’OIFM et défendent ses intérêts au niveau international.

2.2.3 Poids et importance relatives

Le poids du premier indicateur principal de « la puissance de l’OIFM » représente 20% de la mesure totale de l’Index permettant de mesurer la puissance globale des Frères musulmans. On procède de la même façon déjà adoptée ici-haut pour mesurer la puissance de l’OIFM à travers les différents sous-indicateurs, mais avec des pondérations différentes. Le sous-indicateur de « la légitimité de l’organisation » a été placé en première position en termes d’impact sur la puissance de l’organisation, lui ayant attribué 37,5% et la mention d’importance de degré « très important ». Cela est logique car sans cette légitimité, l’organisation ne pourrait ni agir, ni apporter un quelconque soutien aux branches régionales, nationales et locales, ni fonder des organisations qui lui sont affiliées. A défaut de cette légitimité, l’OIFM est confrontée à des poursuites sécuritaires et judiciaires.

En deuxième position dans le poids et l’importance on trouve deux sous-indicateurs : celui concernant « la cohésion de l’organisation et sa mainmise sur les branches » et celui se rapportant à la « structuration de l’organisation, sa formation et la centralité de ses prises de décisions » ; chacun des deux pèse 25% et jouit d’une importance de degré « important ». C’est que ces deux sous-indicateurs se rattachent respectivement à l’institutionnalisation des Frères musulmans et à sa capacité à perdurer et à répondre aux défis divers dans le temps et dans l’espace international. En outre, ils conditionnement la capacité de l’organisation à réagir aux variables internes et externes, y compris les affaires de loyauté et d’obéissance qui peuvent surgir lors des renouvellements de la direction ou lors des élections internes au sein de l’organisation internationale.

Les deux sous-indicateurs classés en troisième position sont « les lobbies soutenant l’organisation » et « l’acceptation par la société », chacun représentant 12,5% et considéré comme d’une importance de degré « assez important ». Il est naturel qu’en l’absence d’influence, de solidité et de structure organisationnelle claire, il n’y aurait pas de lobbies ni d’acceptation sociale de l’organisation internationale.

Pour plus de détails sur la mesure des poids des sous-indicateurs et leur importance relative, il est possible de se référer au premier chapitre de ce rapport.

2.2 Présentation des résultats des sous-indicateurs et leurs analyses

D’après le graphique N°1 (voir ci-contre), le sous-indicateur intitulé « structure de l’organisation » occupe la première place parmi les sous-indicateurs influençant l’indicateur principal de la puissance de l’OIFM, à hauteur de 40,0% du total de 100% pour ce sous-indicateur. En deuxième position, on retrouve le sous-indicateur « lobbies soutenants », avec 35,0%, suivi en troisième position du sous-indicateur « la légitimité de l’organisation » avec 30,5%. A la dernière place figure l’indicateur subsidiaire « l’acceptation des sociétés », avec 20,0%.

2.2.1 La moyenne de l’indicateur de puissance de l’OIFM

En général, la moyenne de l’indicateur de puissance de l’OIFM révèle une tendance vers un affaiblissement croissant au cours de l’année 2022, puisque sa contribution à la puissance globale des Frères musulmans atteint à peine 4,7%, alors que l’organisation internationale est censée représenter la vitrine des Frères musulmans dans le monde et être plus active et plus puissante. Cela découle, comme l’ont révélé les résultats de ce premier indicateur principal, de l’impact négatif de la situation organisationnelle critique des Frères musulmans sur son organisation internationale, en raison des dissensions graves ayant secoué son entité, d’une diminution des sources de financement, et des restrictions financières imposées dans plusieurs pays du monde. A cela s’ajoute l’incapacité de l’organisation à contrôler efficacement ses branches, en contraste avec la fonction qui lui est dévolue. En outre, cette baisse se reflète par les inquiétudes que l’organisation internationale suscite auprès de plusieurs Etats, en raison de ce qui a été récemment révélé avec grand fracas, à savoir sa possession manifeste d’un agenda transfrontalier opaque qui menace la sécurité nationale et l’intégrité des États.

2.2.2 La légitimité de l’organisation

Le sous-indicateur de « la légitimité de l’organisation » se situe en troisième place parmi les sous-indicateurs contribuant à l’indicateur principal mesurant la puissance de l’OIFM. Il est de 30%. En fait, l’OIFM a suscité dernièrement de grandes préoccupations dans quelques pays européens, tels que la France, l’Autriche et l’Allemagne, car elle avait peu de visibilité et ses activités sont restées opaques, en plus de son ancrage dans une idéologie religieuse transfrontalière ignorant l’existence même de l’État-nation. Par ailleurs, l’OIFM utilise des slogans populistes, déploie des tactiques de provocation et de perturbation et profite des sujets sensibles pour influencer les médias qui à leur tour influenceront les opinions publiques. Bien qu’elle ait été soumise à certaines restrictions dans ces pays, l’OIFM n’a pas encore atteint un niveau d’interdiction complète de ses activités11.

Cependant, la direction de l’OIFMU continue de chercher à reconquérir sa position internationale en diffusant l’idée selon laquelle elle représente l’interface forte des Frères musulmans, celle qui exprime leurs positions et leur vision d’une manière qui lui confère du poids aux yeux des différents pays avec lesquels elle interagit. Cela a conduit les Frères musulmans à redoubler d’efforts pour consolider la légitimité de l’OIFM, même en projetant une image exagérée de sa puissance et de son rôle au sein des Frères musulmans. En outre, de nombreux pays adoptent une attitude de tolérance envers elle, la laissant agir sur le terrain sans réglementation ; c’est surtout le cas d’une majorité de pays occidentaux où l’organisation cherche à infiltrer et à monopoliser les voix des musulmans puis les utiliser dans ses marchandages politiques, comme le révèle une étude réalisée par le Centre européen pour l’étude sur la lutte contre le terrorisme et le renseignement secret. Par exemple, rien qu’en France, il existe plus de 250 associations islamistes réparties sur tout son territoire, parmi lesquelles 51 sont affiliées aux Frères musulmans. En parallèle avec l’activité religieuse et culturelle, ces associations de bienfaisance exercent une activité politique12.

Par ailleurs, le magazine allemand « Tichys Einblik »13 a montré comment certains Frères musulmans ont pénétré l’Union européenne. Selon le magazine, l’Union européenne appuie de nombreux événements et causes soutenues par les Frères musulmans à Bruxelles et à Strasbourg, outre l’appui fourni par l’Union européenne pour de nombreuses organisations islamistes affiliées aux Frères musulmans, affirmant que la présence des Frères musulmans et leur influence deviennent pesant dans ces deux villes européennes en particulier à cause de leur poids dans les politiques de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe respectivement.

2.2.3 Cohésion de l’organisation

L’état de l’OIFM est le reflet fidèle de l’état des Frères musulmans dans le monde, plusieurs jugeant même que les deux sont indissociables. Il est donc normal que l’OIFM soit directement affectée par les problèmes touchant les Frères musulmans. Notamment, les dirigeants de l’OIFM font partie des dirigeants des Frères musulmans. Ainsi, tout clivage survenant au sein des Frères musulmans ou entre ses dirigeants se traduit par une dissension au sein de l’OIFM. Ceci a un impact significatif sur sa cohésion et son unité. Cette situation est exacerbée par les dissensions observées ces dernières années au sein des Frères musulmans et intensifiées par les désaccords à propos de son leadership. Rappelons le conflit entre Ibrahim Mounir et Mahmoud Hussein, qui est plus connu médiatiquement par le conflit entre les fronts de Londres et d’Istanbul, respectivement. Certaines figures importantes ont soutenu Ibrahim Mounir, à l’instar de Youssef Nada, ancien délégué général des relations internationales des Frères musulmans et le responsable de ses investissements dans plusieurs pays, ainsi que Mahmoud al-Ibyari et Muhammad Bouhiri. En revanche, d’autres figures non moins importantes se sont alignées à Mahmoud Houssine, à l’instar de Mustapha Tolba, membre de l’organisation internationale, désigné par le front de Houssine au poste de président de la commission chargée de remplacer le Guide des Frères musulmans, après avoir démis Ibrahim Mounir en décembre 2021. Il est le vice-président du Conseil consultatif des Frères musulmans en Turquie ; il a des relations étroites avec les autorités turques et supervise d’énormes investissements et fonds des Frères musulmans. Beaucoup d’observateurs ont attiré l’attention sur la gravité des conflits au sein de l’organisation internationale14. C’est probablement ce qui a provoqué la relégation de du sous-indicateur de la cohésion organisationnelle à la quatrième place, enregistrant une baisse de 25,0% de son impact sur l’indicateur principal de puissance de l’OIFM. Nous voyons là les conséquences graves des divisions au sein des Frères musulmans, organisation -mère de l’OIFM. En effet, ces divisions ont révélé de manière flagrante que les altercations entre les dirigeants des Frères musulmans ne sont que des conflits de pouvoir et non des différends de principes. Les accusations mutuelles de corruption et de mauvaise gestion ont mis à mal le capital de confiance entre les membres des Frères musulmans et sa direction d’une part, et ont terni l’image de l’organisation internationale d’autre part.

Les relations étroites entre les Frères musulmans et leur organisation internationale (OIFM) ont conduit donc à une crise majeure. Cependant, l’OIFM s’est efforcée de ne pas en subir les conséquences directes en évitant de se laisser absorber par les problèmes de leadership au sein de l’organisation-mère des Frères musulmans. Certaines mesures témoignent de sa présence et de son efficacité, notamment l’activation du rôle de certaines de ses institutions, notamment l’Union mondiale des oulémas musulmans. Ainsi le Président de l’Union, Ahmed El-Raisouni, et son Secrétaire Général, Ali Qarah Daghi, ont-ils envoyé un télégramme exprimant leur satisfaction pour les efforts déployés en vue de la réconciliation entre les pays du Golfe et « de la fin des différends entre frères »15.

2.2.4 La structure et la centralité de la prise de décision

Le sous-indicateur de « la centralité de l’organisation internationale » occupe le premier rang parmi les sous-indicateurs contribuant à la puissance de l’OIFM. Son niveau de contribution est de 40,0%.

Malgré des tensions entre plusieurs branches des Frères musulmans, l’OIFM a démontré un engagement continu en 2021 et 2022 pour coordonner ses activités avec celles des multiples branches des Frères musulmans de par le monde, et prendre des décisions pour l’intérêt général des Frères musulmans. Ainsi les prises de position des branches des Frères musulmans dans les pays du Golfe sur différents événements internationaux et régionaux témoignent probablement d’une volonté de renforcer la coordination entre les deux parties, les Frères musulmans et l’OIFM, même si certaines branches, comme celle de Bahreïn, se sont dissociées de l’OIFM16.

D’autres tentatives de l’OIFM expriment son attachement à l’unité de la direction centrale. Par exemple, elle a tenté en permanence de soutenir les causes qui touchent l’ensemble du monde musulman, pour démontrer qu’elle est préoccupée par les problèmes de tous les musulmans et qu’elle les suit de près pour le compte des Frères musulmans et de ses différentes branches. Un exemple parmi tant d’autres est celui de la présentation par l’Union générale des oulémas musulmans de remerciements au Premier Ministre pakistanais, Imran Khan, pour ses efforts de soutien aux minorités musulmanes et aux peuples vulnérables17.

2.2.5 Les lobbies favorables

L’une des principales missions de l’OIFM est de tisser, au profit des Frères musulmans, des relations avec les différents pays et entrer en contact avec les gouvernements, les décideurs et les institutions civiles, notamment dans les pays occidentaux. Pour réaliser cette mission, elle constitue des groupes de pressions politiques dans les pays visés. Malgré cela, il est manifeste que le sous-indicateur « des lobbies » fondés par l’organisation n’arrive qu’en deuxième position parmi les cinq sous-indicateurs constituant la puissance de l’OIFM, avec un taux de 35%. Cela s’explique par le classement, en 2017, des Frères musulmans comme une organisation terroriste à l’initiative des pays du quatuor arabe (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Bahreïn, et Egypte). Ensuite, plusieurs pays européens ont pris des mesures visant à restreindre sur leurs territoires certaines activités des Frères musulmans. On citera par exemple la décision du Parlement autrichien le 13 juillet 2021 d’interdire les activités des Frères musulmans à l’intérieur du pays et de les empêcher d’exercer toute activité politique. Cela s’inscrit dans le cadre des actions entreprises par l’Autriche pour lutter contre le terrorisme, comportant aussi l’adoption d’une nouvelle loi visant à renforcer les efforts de l’État pour interdire les activités des organisations terroristes, dont les Frères musulmans, faisant ainsi de l’Autriche le premier pays européen à interdire les Frères musulmans18. Cela a suscité des inquiétudes parmi certains lobbies internationaux, craignant de subir des revers pour leurs soutiens aux Frères musulmans. La volte-face de ces lobbies s’explique aussi par le tarissement des moyens financiers des Frères musulmans. Car les services de ces lobbies se payent au prix fort, ainsi que la collaboration avec des institutions de recherche internationales, des médias, et des groupements politiques divers.

L’augmentation du taux de représentativité du sous-indicateur des lobbies démontre que, malgré les revers mentionnes ci-haut, les Frères musulmans n’ont pas cessé pour autant de créer de nouveaux groupes de pression qui lui sont affiliés, notamment aux États-Unis. Par exemple, l’organisation continue de créer plusieurs branches dans ce pays afin de s’assurer une base solide au sein des communautés musulmanes. Elle profite ainsi de sa présence auprès de ces communautés pour influencer et peser sur les administrations américaines successives. Il faut aussi ajouter à cela les tentatives d’infiltrer des cercles de gouvernance et de prise de décision par certaines personnalités affiliées aux Frères musulmans. Cette orientation a été grandement facilitée par le contexte politique des États-Unis, qui repose essentiellement sur un système de lobbyisme.

2.2.6 La recevabilité auprès des sociétés

Le sous-indicateur de « la recevabilité des sociétés » a été ajouté aux sous-indicateurs constituant l’indicateur principal de « puissance de l’OIFM » en raison de son importance dans l’évaluation de la puissance des Frères musulmans dans la société. La mesure de cette puissance sociétale est basée sur la perception positive ou négative dont jouissent les Frères musulmans auprès de l’opinion publique des pays étudiés.

Conclusion

Comme on a vu dans le graphique n°1, le sous-indicateur de « la structure organisationnelle » a pris la première place dans les sous-indicateurs influençant l’indicateur principal de puissance de l’OIFM, tandis qu’au deuxième rang est apparu le sous-indicateur « des lobbies favorables », et au troisième rang, celui du sous-indicateur de « la légitimité de l’organisation ». Au quatrième rang se trouve le sous-indicateur de « la cohésion de l’organisation ». Enfin, en dernière place, il y a le sous-indicateur de « l’acceptabilité de la société ». Nous pouvons déceler la persistance d’un contexte défavorable aux activités de l’OIFM, qui constitue en général un facteur important dans le recul de sa puissance. En fait, ce recul a conduit à une baisse permanente de 12,2% dans la contribution de l’indicateur principal de l’OIFM au total de la puissance globale des Frères musulmans pendant l’année dernière (2022). Cependant, il est à noter que la contribution de l’OIFM au total de la puissance des Frères musulmans a augmenté par rapport à 2021, car il n’était alors que de 12,2%.

10.  L’Organisation Internationale des Frères Musulmans : ré́seaux d’influence et de puissance dans le monde, (en arabe), (Abu Dhabi, UAE : Trends Research and Advisory, Livre 5, 10 août 2021), https://2h.ae/zZed

11.  Mohannad Khorchid, La nouvelle approche européenne envers les Frères musulmans : l’exemple de l’Autriche et de l’Allemagne, (en arabe), (Abu Dhabi, UAE : Trends Research and Advisory conférence en ligne, 13 juillet 2022), https://2h.ae/ItCo

12. « Cinquante associations françaises sous la loupe et des sanctions (envisagées) contre leurs fondateurs », Sky News Arabic, 28 novembre 2022, https.// bit.ly/3axGgCk

13.  Amina Dhaki, « Un rapport allemand qui dé́voile comment la confrérie des Frères musulmans a infiltré l’Union européenne », (en arabe), Site du journal al-Destour, 2 décembre 2022, https://2h.ae/rWoY

14.  Ali Khalil, « L’année de la fin des Frères musulmans », (en arabe), Chaine al-Ghad, 14 décembre 2022, https://2h.ae/IVlf

15.  Ali Khalil, « Voici les détails de la rencontre entre la pieuvre du terrorisme et les Frères du Yé́men », (en arabe), vidé́o, 23 janvier 2021, https.//bit.ly/3asa3fF

16.  Sawsen al-Chai’ir, « Al-Ikhwan fil khalij», (en arabe), Journal al-sharqal-awsat, 6 juillet 2021, https.//bit.ly/3OZIrgH

17.  Union des oulémas musulmans, « Nous remercions Omran Khan pour son soutien aux minorités musulmanes », (en arabe), Journal qatari al-Arab, 15 mars 2021, https.//bit.ly/RnulaE

18. « L’Autriche interdit les Frères musulmans et leurs activités », (en arabe), Arabiya.net, 13 juillet 2022, https://2h.ae/mlCu