fbpx
 
 

Pour une lecture optimale, téléchargez gratuitement l'Appli GWA pour tablettes et smartphones
Daniel Cole/AP/SIPA

 

‘‘The zone of interest’’ de Jonathan Glazer : La ‘‘banalité du mal’’ transposée à Auschwitz !

28 mai 2023 News   18652  

Nombreux sont les films consacrés à l’horreur nazie et la Shoah que le Festival de Cannes a accueillis, célébrés et récompensés. Il y a notamment eu le tragi-comique ‘‘La vie est Belle’’ de Roberto Benigni (Grand Prix – 1997), l’émouvant et magistral ‘‘Le pianiste’’ de Roman Polanski (Palme d’Or – 2002), le sombre et poignant ‘‘Ruban Blanc’’ de Michael Haneke (Palme d’Or – 2009) et l’atypique et éblouissant ‘‘Le fils de Saul’’ de Laszlo Nemes (Grand Prix – 2015).

Par Atmane Tazaghart et Nicolas Chene

Ces œuvres majeures et nécessaires ont toutes fait face à la même et épineuse problématique : comment évoquer la Shoah sans en montrer l’insoutenable horreur ? Et de toutes les approches adoptées ou envisagées, celle de ‘‘The Zone of Interest’’ de Jonathan Glazer – qui a décroché le Grand Prix de ce 76ème Festival de Cannes – est, de loin, la plus éprouvante : le cinéaste britannique a fait le choix à la fois singulier et déroutant de filmer Auschwitz depuis la maison adjacente du commandant nazi Rudolf Höss, qui dirigea le terrible camp de mai 1940 à décembre 1943, puis à nouveau de mai à septembre 1944.

Depuis cette maison coquette – où ce criminel nazi menait une vie familiale des plus paisibles, s’occupant tendrement de ses enfants et entretenant soigneusement son jardin – on n’aperçoit du terrifiant camp de la mort que quelques cheminées de chambres à gaz. Et on n’entend de l’horreur qui s’y déroule que de vagues cris nocturnes qu’on devine être ceux de fugitifs qu’on abat à la mitrailleuse ou qu’on noie dans le fleuve.


Voir notre vidéo exclusive


L’horreur s’arrête au pas de la porte de la maison du commandant, tout comme les bottes militaires couvertes de sang que les convives y déposent, pour qu’un domestique les nettoie au tuyau d’arrosage. La famille du commandant s’y plaît tellement, que lorsqu’il reçoit un ordre de mutation, en décembre 1943, son épouse demande à y rester :  « On a tout ce dont on a toujours rêvé ici » ! Et lorsqu’on lui demande d’y retourner, en mai 1944 – son successeur n’arrivant plus à tenir les macabres cadences, depuis la déportation des Juifs de Bulgarie (12.000 déportés par jour) – il se précipite vers le téléphone pour annoncer la ‘‘bonne nouvelle’’ à sa femme !

Au final, le film ne montre de l’horreur d’Auschwitz que quelques plans du musée actuel : murs d’effets personnels de déportés (habits, chaussures, prothèses en tous genres) mis sous verre, que les agents de ménage du musée s’appliquent à nettoyer soigneusement. Cependant, il a réussi l’exploit de pointer du doigt – comme jamais une œuvre cinématographique n’a pu le faire – ce que l’horreur nazie a de plus terrifiant : la ‘‘banalité du mal’’ personnifiée par ces ‘‘monstres à visage humain’’, capables d’accomplir les pires des crimes qu’un Homme puisse commettre, puis rentrer tranquillement à la maison, après les heures de ‘‘travail’’, pour s’occuper tendrement de leurs enfants et des roses de leurs jardins !