Inutile d’aller à l’improviste au restaurant casher de l’hôtel Armani à Dubaï. Il est plus prudent de réserver longtemps à l’avance. Quant à la terrasse, elle est prise d’assaut, afin de pouvoir assister à un spectacle unique mêlant jets d’eau, sons et lumières. Drapé dans sa dishdasha blanche, l’habit traditionnel des hommes du Golfe, notre interlocuteur raconte que dans le salon d’un grand hôtel à Dubaï, il s’est retrouvé récemment le seul Arabe au milieu de dizaines de juifs. « Mais si ça continue, ils vont être plus nombreux que nous ! », lâche-t-il en souriant. En signant en septembre 2020 les accords d’Abraham normalisant les relations émiro-israéliennes, les Émiratis s’attendaient à accueillir une vague de visiteurs venus de Tel Aviv. Mais c’est une déferlante qui s’est abattue sur le Golfe. Quant aux communautés juives occidentales, elles ne disent plus « l’année prochaine à Jérusalem », mais « les prochaines vacances à Dubaï » !
L’encre des accords d’Abraham était à peine sèche, que le premier restaurant certifié casher des Émirats arabes unis (EAU) voyait le jour. Et pas n’importe où : au rez-de-chaussée de l’hôtel cinq étoiles Armani, situé dans la fameuse tour Burj Khalifa, le plus haut bâtiment du monde, culminant à 828 mètres. Ajoutez depuis la terrasse un spectacle à la fois aquatique, son et lumière depuis les plans d’eau de Dubaï Mall. C’est, comme il se doit, le plus grand centre commercial de Dubaï. Mais si vous êtes bien au Moyen-Orient, Armani, en revanche, fonctionne comme une horloge suisse. Si votre réservation affiche vingt heures, ne vous pointez pas dix minutes en retard. Et encore moins en avance. Ce serait de l’impolitesse, et vous seriez privé de terrasse. L’établissement de luxe ne propose que quarante couverts. Il est ouvert tous les jours, sauf pendant le shabbat et les fêtes juives.
Un four connecté au rabbin !
Le restaurant est certifié « casher ». C’est-à-dire qu’il propose des plats gastronomiques conformes aux lois alimentaires du judaïsme. La télévision israélienne i24news précise qu’Armani « fonctionne sous la supervision de Levi Duchman, rabbin des Émirats arabes unis », et que le chef propose « un menu reflétant la démographie multiculturelle de Dubaï avec ses plats aux saveurs de l’Asie, de l’Europe et du Moyen-Orient ». Ce qui veut dire que vous ne serez pas forcément dépaysé. Plutôt que du baba ganoush, du houmous au tahiné, ou de la salade fattoush assaisonnée au sumac, vous pouvez parfaitement choisir une soupe de lentilles, un bœuf bourguignon ou des spaghettis bolognaises.
Pour respecter toutes les règles à suivre dans la cuisine casher high-tech, les cuisines du restaurant Armani possèdent un four connecté au rabbin lui-même ! Que l’on vous rassure, celui-ci n’est pas en permanence dans l’établissement, le rabbin Levi Duchman possède une application sur son smartphone : il allume le feu à distance ! A part cette obligation, le casher et le halal présentent de nombreuses similitudes, comme l’abattage rituel et l’interdiction de consommer de la viande de porc. Le personnel local du restaurant n’a pas eu trop de mal pour assimiler les règles du cacherout (les lois alimentaires juives).
Vin blanc issu du Golan
The Times of Israël nous apprend qu’Armani n’est pas la première entreprise de cuisine casher du pays. Elli’s Kosher Kitchen, une société dirigée par Elli Kriel, l’épouse du président du Conseil juif des Émirats, Ross Kriel, fournissait déjà depuis 2018 des repas aux voyageurs juifs de passage à Dubaï. Avant même les accords d’Abraham, la communauté juive, et notamment les hommes d’affaires, fréquentait déjà assidument Abu Dhabi.
Ce soir-là, la plupart des convives sur la terrasse du restaurant Armani s’exprimaient en français. Portant kippa, un verre de Gamla, un vin blanc issu du Golan et de Haute-Galilée à la main, ils admirent les jets d’eaux s’activant au rythme de musiques arabes, classiques ou carrément populaires…