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Amir Cohen/UPI/Shutterstock/SIPA

 

Israël : le crépuscule des extrémistes

9 janvier 2024 Investigations   173700  

Les Israéliens n’en veulent plus. Les incendiaires qui avaient permis à Benyamin Netanyahou de redevenir Premier ministre en novembre 2022 sont désormais détestés par une opinion traumatisée par les massacres du 7 octobre. Itamar Ben-Gvir, le ministre de la Sécurité nationale – les Israéliens l’ont rebaptisé ‘‘ministre de l’Insécurité nationale’’ – Bezalel Smotrich, en charge des Finances et Yariv Levin, ministre de la Justice, artisan d’une détestable réforme rejetée par le public, ont un avenir politique aussi compromis que leur maitre Netanyahou.

Par Martine Gozlan

Près de 70 % des Israéliens réclament de nouvelles élections, selon les sondages qui se succèdent. Gadi Eizenkot, ministre du cabinet de guerre et ex-chef d’état-major, a pulvérisé le consensus habituel qui veut qu’en temps de guerre la scène politique se taise. Dans une interview à la chaine 12 de la télévision israélienne, il a réclamé haut et fort des élections législatives. Eizenkot est d’autant plus écouté et respecté qu’il vient de perdre son fils et son neveu sur le front de Gaza. Yaïr, le fils du Premier ministre, lui, est reparti en Californie sans avoir même porté l’uniforme.

Faisant écho aux appels de l’ancien chef d’état-major, également soutien du parti Unité Nationale que dirige le général Benny Gantz, le probable successeur de Netanyahou, les Israéliens manifestent. Les familles d’otages sont en première ligne mais celles des soldats tombés au front vont prendre la relève.

Les ministres extrémistes sont d’autant plus haïs par l’opinion israélienne que leurs vociférations ont servi d’argument aux accusateurs de l’État hébreu dans le procès intenté par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice de La Haye (lire L’Editorial, page 3). Alors que Ben Gvir préconisait le « transfert » des Palestiniens de Gaza et sa recolonisation par Israël, un autre ministre évoquait « une bombe atomique » à lâcher sur le territoire. Pour la majorité de l’opinion, ces irresponsables font le malheur d’Israël. Leur échec se lit à page ouverte, cette page du 7 octobre 2023 qui ensanglante à jamais l’Histoire du pays et du peuple juif.

Ben Gvir, Smotrich et consorts avaient en effet tout misé, lors de la campagne électorale de l’automne 2022, sur la sécurité. Dans son bras de fer avec la société civile – qui est aussi celle des réservistes, des fonctionnaires du Mossad et du renseignement intérieur – Netanyahou a été poussé par ses mauvais conseillers à négliger les avertissements des militaires et des maitres espions.

Alors que la situation devenait explosive en Cisjordanie devant les attaques de colons galvanisés par l’arrivée au pouvoir de leurs gourous, les bataillons du Sud ont été déplacés pour servir à Naplouse et Djenine, bastions d’une nouvelle intifada.

Les ultra-orthodoxes, autre poids lourd de la coalition avec le parti Shas (‘‘Les gardiens sépharades de la Torah’’), ont fait pression pour obtenir un allongement inédit des congés de soldats pour les fêtes religieuses, du Yom Kippour à ce jour de Simhat Torah – la ‘‘joie de la Torah’’ – qui a vu le sanglant ‘‘déluge d’Al Aqsa’’ déferler sur les kibboutzim pacifiques le long de la frontière.

Dans un contexte de plus en plus léthargique, voire machiste, les ‘‘guetteuses’’, ces soldates affectées à la surveillance sur écran des moindres mouvements rapprochés à Gaza, ont multiplié les rapports alarmants. Toutes avaient noté des entrainements de commandos, des repérages avec des cartes bel et bien visibles. Ces jeunes femmes ont payé le prix du sang lors de l’assaut.

Massacrées, violées, brûlées, les ‘‘Tazpitanits’’ – guetteuses en hébreu – ont été très rares à survivre. Les rescapées ont témoigné après le désastre. Leur parole appuiera l’enquête sur les terribles failles sécuritaires du 7 octobre que réclame en urgence tout Israël. Sauf Netanyahou et ses alliés.

Le bras de fer du gouvernement avec la Cour suprême, garante des libertés individuelles et publiques, se poursuit. Itamar Ben Gvir veut en effet avoir la haute main sur l’organisation et la répression des manifestations. La procureure générale, Gali Baharav-Miara, une de ces fortes femmes qui protègent la démocratie israélienne, a émis plusieurs avis statuant sur « l’intervention illégale du ministre dans le travail de la police ». Ben Gvir est accusé d’avoir violé la loi. Son acolyte, Bezalel Smotrich, s’est attiré les foudres des conseils locaux en voulant réduire drastiquement le budget de l’Éducation. Ces coupes interviennent alors que les déplacements d’Israéliens de la zone sud, en raison des destructions et des massacres, et de la zone nord, à cause des attaques du Hezbollah, conduisent à la déscolarisation de milliers d’enfants et d’adolescents.

En revanche, note le quotidien The Times of Israel, « des centaines de millions de shekels continueront d’être versés au ministère des implantations dirigé par la ministre d’extrême droite Orit Strouk. » Ce ministère et la personnalité à sa tête sont particulièrement fustigés par une opposition aujourd’hui majoritaire. On les accuse d’être un relais artificiel du Parti sioniste religieux, créé à la seule fin de drainer des fonds vers ce mouvement extrémiste. Les discussions houleuses sur le budget ont aggravé le fossé entre la coalition au pouvoir, soucieuse de préserver ses privilèges même en temps de guerre, et un public directement touché par les conséquences économiques du conflit.

Les pauvres et les classes moyennes paupérisées sont directement touchés par les hausses d’impôts. Alors que presque toutes les familles comptent un fils, un frère ou un mari au front, la sensation qu’une poignée de jusqu’au-boutistes, alliée à un politicien sans scrupule – Netanyahou – a jeté le pays dans la crise la plus grave de son Histoire devient oppressante.

Le crépuscule des extrémistes est-il enfin venu ?