Les nouvelles en provenance d’Afghanistan sont très inquiétantes. En moins d’une semaine, les Talibans se sont emparés de la moitié des capitales des provinces afghanes. Ils contrôlent, à présent, l’essentiel des provinces du nord, de l’ouest et du sud du pays. Kaboul, Mazar-e Charif et Jalalabad sont les seules grandes villes afghanes qui échappent, mais pour combien de temps encore, au retour de leur mainmise sur le pays.
Les médias sociaux afghans ont été inondés d’informations alarmantes sur les violations des droits humains. Dans un de ses tweets, le défenseur des droits de l’homme @FroghWazhma a affirmé que 100 à 120 écoles ont été fermées dans différentes parties de la province de Wardak, notamment à Nerkh, Saidabad, Jaghatu et Jalrez, tandis que plus de 50.000 filles dans les 34 provinces de l’Afghanistan ont été contraintes à ne plus aller à l’école.
Par ailleurs, l’UNICEF, dans une déclaration du 9 août, s’est dite choquée par l’escalade rapide des violences contre les enfants en Afghanistan, avec 20 enfants tués et 130 blessés en 72 heures, dans la province de Kandahar. À Paktia, 5 enfants ont été tués et 3 blessés au cours de la même période. Outre ces décès, l’UNICEF a également exprimé son inquiétude face aux informations faisant état d’un nombre croissant d’enfants embrigadés par les groupes armés.
Alors que les villes afghanes tombent les unes après les autres aux mains des Talibans, le pays connaît une augmentation considérable du nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, au moins 244.000 personnes ont été déplacées depuis le début du mois de mai 2021, lorsque les Talibans ont lancé de multiples offensives contre les forces armées afghanes. Et à mesure que les Talibans progressent dans le pays, le nombre des déplacés devrait encore s’accroître.
Et tandis que les Talibans se frayent leur chemin à travers l’Afghanistan, dans le sang et la terreur, leurs refuges au Pakistan voisin restent intacts. Pis encore, le groupe recevrait des renforts de l’autre côté de la frontière. Au début du mois d’août, le président afghan Ashraf Ghani a accusé le Pakistan de n’avoir jamais rompu ses liens avec les groupes terroristes et a indiqué que, selon ses services de renseignement, plus de 10.000 combattants djihadistes sont entrés en Afghanistan au cours du mois dernier.
De même, le 9 août, Chris Alexander, ancien ministre canadien de la Citoyenneté et de l’Immigration et ancien ambassadeur en Afghanistan, a exhorté la communauté internationale à imposer des sanctions au Pakistan, l’accusant d’être à l’origine du conflit actuel en Afghanistan. Au cours des dernières semaines, la diaspora afghane dans de nombreuses capitales occidentales, dont Paris, s’est élevée contre les violations croissantes des droits de l’homme commises par les Talibans et le soutien continu que ce groupe reçoit du Pakistan.
L’état actuel des choses en Afghanistan a été décrit comme « une nouvelle phase, plus meurtrière et plus destructrice » par la représentante spéciale Deborah Lyons, qui dirige la mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan. Et la situation va inéluctablement s’aggraver, si la communauté internationale ne prend pas conscience que la paix ne peut pas être instaurée en Afghanistan en négociant avec les Talibans.
Au cours des 20 dernières années, les États-Unis et l’OTAN ont combattu Al-Qaïda et les Talibans en Afghanistan, mais n’ont pas réussi à agir contre les dirigeants de ces deux groupes extrémistes confortablement installés au Pakistan. Et les puissances occidentales continuent à ignorer les liens, pourtant évidents, entre les Talibans, Al-Qaïda et le Pakistan.
En se retirant rapidement de l’Afghanistan, les États-Unis laissent le pays à la merci d’impitoyables mercenaires qui, depuis des décennies, mènent depuis le Pakistan une guerre par procuration chez leur voisin. Pour reprendre les termes de Chris Alexander, les Talibans ne sont pas les représentants du peuple afghan, mais ceux de l’armée pakistanaise.
Il serait urgent que la communauté internationale reconnaisse ce fait et adopte une position ferme sur cette question. Sinon, nous devrions nous préparer à ce que l’Afghanistan redevienne, très vite, le centre névralgique mondial de la terreur islamiste.
* Écrivain et consultant, président du Roland Jacquard Global Security Consulting (RJGSC).