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Général Guy Buchsenschmidt ‘‘J’appréhende un ‘Verdun’ ukrainien’’

14 mai 2024 Interviews   27742  

Avec une carrière de plus de 40 ans, qui l’a conduit sur différents théâtres de guerre en Europe et en Afrique, le Général belge Guy Buchsenschmidt jouit d’une grande expertise militaire et géostratégique. Dans cet entretien, il nous explique pourquoi il appréhende un nouveau‘Verdun’ dans la guerre en Ukraine qui sévit depuis plus de deux ans.

Propos recueillis par Malika Madi

– Plus de deux ans après le début de la guerre en Ukraine, comment voyez-vous l’issue de ce conflit ?

Général Guy Buchsenschmidt : Je crains avant tout un enlisement. Genre Verdun. Si la ligne de défense ukrainienne cède, la conquête de l’Ukraine se soldera par un bain de sang, avec à la clé une ‘‘occupation’’ qui se heurtera à une résistance organisée, résolue, et vraisemblablement soutenue de l’extérieur (à l’image de ce qui s’est passé en France durant la Seconde Guerre mondiale). Occuper l’Ukraine, un pays à vocation démocratique, aspirant à l’adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne, est une gageure. Pour les Russes, ce serait un deuxième Afghanistan. Mais on oublie trop rapidement les leçons du passé.

– La Russie veut-elle rayer l’Ukraine de la surface de la Terre ? Et quel prix, selon vous, est-elle prête à payer pour parvenir à ses fins ?

– La Russie ne veut pas rayer l’Ukraine de la surface de la Terre. Poutine veut simplement recréer un ‘‘Empire’’, sachant que l’Ukraine est historiquement le berceau dudit empire dont il rêve depuis la désintégration de l’URSS. Pour ce faire, Poutine est prêt à tout, quitte à sacrifier des milliers de jeunes gens, souvent mal équipés, peu entraînés et peu convaincus de l’utilité d’un conflit dont ils ne comprennent pas les tenants et les aboutissants.

– Plusieurs pays de l’Est, comme la Pologne, renforcent leurs équipements militaires. Pensez-vous, comme certains observateurs, que Poutine ne se contentera pas de l’Ukraine ?

– Clairement, mettre un pied dans un pays de l’OTAN équivaudrait à franchir une ligne rouge. Les partenaires de l’OTAN ne pourront pas, le cas échéant, commettre la même erreur que les Français et les Britanniques en 1939. Poutine le sait. Il sait également que face à l’OTAN, il est un tigre en papier (quoi qu’on en dise). Reste évidemment l’argument de l’arme nucléaire. Mais là, on franchit un seuil que je n’ose imaginer.

– Justement, Poutine évoquait, il y a quelques semaines, la possibilité d’utiliser l’arme nucléaire. Selon vous, c’est du bluff ou une possibilité à ne pas exclure ?

– L’utilisation de l’arme nucléaire entraînerait une chaîne de réactions absolument imprévisibles, destructrices et durablement dommageables. Si la Russie emploie l’arme nucléaire, en retour, ses villes et ses infrastructures seront vitrifiées. Ce sera la fin de la Russie, de sa population, de son patrimoine historique, culturel, industriel et militaire. Est-ce de cela que rêve Poutine ? Je ne le crois pas aussi fou que le Docteur Folamour de Pyongyang.

– Volodymyr Zelensky vient d’obtenir des Américains une importante aide militaire de 61 milliards de dollars. Cela suffira-t-il à l’Ukraine pour inverser le rapport de forces ?

– Les avis sont partagés. Attendons de voir les résultats de l’aide européenne. L’argent n’est pas tout. Ce qu’il faut à l’Ukraine, ce sont des munitions, des chasseurs F-16, des pièces d’artillerie et au-delà, une diplomatie courageuse, résolue, volontariste et militante.

– Face aux États-Unis et à l’Europe, un axe s’est formé : Chine – Russie – Iran et peut-être aussi la Corée du Nord. Quels intérêts ces pays ont-ils à s’allier à la Russie ?

– Cela me rappelle les années 1939-1940 et l’axe du mal : Allemagne nazie, Italie fasciste et Japon. La Chine, l’Iran et la Corée du Nord s’allient à la Russie avec un objectif simple : mettre à mal l’OTAN, considérée à tort comme une menace), et affaiblir économiquement, diplomatiquement et militairement l’Occident.

– Vous avez dirigé l’Eurocorps de 2013 à 2015. Fin mars dernier, le général polonais Jaroslaw Gromadzinski a été démis de ses fonctions de commandant de cette force, accusé d’espionnage au profit de la Russie. Que vous inspire ce scandale ?

– J’ai été très surpris, d’autant que c’était la première fois qu’un général polonais commandait l’Eurocorps. Mais c’est en premier lieu une affaire interne à la Pologne, qui a d’ailleurs rapidement procédé au remplacement du général Gromadzinski. À chacun ses misères…

– Vous avez occupé de hautes fonctions militaires et connaissez parfaitement les stratégies militaires. Selon vous, quels seront les prochains grands axes géopolitiques que les conflits armés ou les tensions politiques fomenteront ?

– Vaste débat, qui mériterait un mémoire de cinq cents pages ! Je pense qu’il faudrait considérer les questions de sécurité sous tous les angles. Et pas seulement sous celui de la question militaire. Il nous faut réfléchir à tout ce qui peut, de près ou de loin, peser sur la ‘‘sécurité’’ : la maîtrise des armements, les questions de décroissance et de décarbonation, la démographie, les flux de populations, les problèmes liés à l’énergie, à l’accès à la nourriture et à l’eau, etc. La liste est longue, interminable… Seule une approche holistique peut amener à des solutions durables.

BioExpress

Ancien officier de l’École royale militaire (ERM) belge, le parcours du Général Guy Buchsenschmidt est jalonné de nombreux temps forts : des opérations au Kosovo et en République démocratique du Congo, une fonction d’enseignant, durant huit ans, comme instructeur dans les domaines de la technique de tir du char Léopard, de la tactique des formations blindées ainsi que du leadership, à l’École Royale Militaire belge. Il assuma ensuite les fonctions de