Toujours plus fort, toujours plus fou. Recep Tayyip Erdogan s’est intronisé « deuxième conquérant » de Sainte-Sophie après Mehmet II en 1453. Il l’a proclamé dans son « message à la nation » diffusé à la télévision ce jour funèbre du 10 juillet 2020 où fut annulé le décret d’Ataturk de 1934 transformant l’édifice en musée. Mustapha Kemal avait rendu à l’humanité la basilique, joyau de la chrétienté pendant 916 ans, puis mosquée phare de l’empire ottoman pendant cinq siècles. Il voulait en finir avec la fracture Islam-Occident et apaiser les conflits. Erdogan, lui, les rallume.
Pour paraphraser le Michel Audiard des Tontons flingueurs, on peut dire que les collabos, ça ose tout. Alors que les égorgeurs djihadistes ensanglantent encore la France, un vol noir de corbeaux péremptoires s’abat sur les plateaux et squatte les colonnes des journaux. Les tribunes au miel vénéneux chargées de réécrire la réalité se succèdent comme si rien ne s’était passé. En tous cas pas ce qui nous avait bouleversés jusqu’au fond de l’âme : cette réplique des séismes antérieurs, cinq ans après le massacre des journalistes de Charlie Hebdo, les attentats du Bataclan et de l’Hypercacher.
Dans une lettre ouverte adressée au Président Emmanuel Macron, au Premier ministre, Jean Castex et au ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, 22 personnalités françaises, parmi lesquelles des élus, des intellectuels, des chercheurs et un général de corps d’armée, ont appelé à la dissolution de l’organisation « Musulmans de France » (ex-UOIF), la branche française de la confrérie des Frères musulmans décrite comme étant une « confrérie sécrète qui prône un islam politique et totalitaire » dont « les penseurs ont inspiré le djihadisme mondial ».
Une kyrielle de drapeaux français et des effigies du président Emmanuel Macron ont été brûlés dans tout le Pakistan ces derniers jours alors que le gouvernement du Premier ministre Imran Khan encourageait les partis politiques, les groupes islamiques radicaux, les avocats et les associations d’étudiants à descendre dans la rue par milliers pour dénoncer l’islamophobie perçue en France.
Coup sur coup, Islamic Relief Worldwide, la principale ONG islamiste de Grande-Bretagne, a été contrainte de se débarrasser de deux de ses principaux dirigeants. Le premier pour des textes antisémites, le suivant pour avoir chanté la gloire du Hamas et des Frères musulmans.
Le 2 septembre, le procès de l’attentat de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’hyper cacher de la porte de Bagnolet s’est ouvert au tribunal de Paris. Le même jour, le magazine Charlie Hebdo a réimprimé les caricatures du prophète Mahomet qui avaient fait des collaborateurs du magazine las cibles de terroristes islamistes. Interrogé lors de sa visite au Liban, le président français Emmanuel Macron a indiqué qu’il n’interviendrait pas contre la réimpression de ces caricatures, car la presse en France jouit de la liberté d’expression et même de la liberté de blasphémer. Si la déclaration de M. Macron a été bien accueillie en France et dans la majorité des pays du monde, elle a déclenché une vive opposition dans certains pays du monde musulman.
Disons-le d’emblée, la seule différence qui existe entre la confrérie des Frères Musulmans et Daesh, c’est la méthode. La fin reste la même : appliquer la charia islamiya, la loi islamique, et réinstaurer le califat, en désignant un calife à la façon islamique, sans vote. Une fois cela fait, ils oeuvrent à islamiser l’existence et à dominer le monde. Ainsi, deux entités intégristes se rendent service souvent consciemment, parfois inconsciemment.
Beylik : c’est le mot qu’on ne veut plus entendre à Tunis. Beylik, domaine du bey, vassal du sultan. Beylik, province ou « régence » ottomane. Un mot qui remonte du puits des siècles, un retour du refoulé historique. Il a été griffonné rageusement dans les médias du pays après la visite impromptue à Tunis de Recep Tayip Erdogan, venu demander au président Kais Saied de soutenir une intervention turque en Libye pour appuyer le mal nommé « Gouvernement d’accord national » de Faiez Sarraj contre le général Khalifa Haftar. En ouvrant l’aéroport de Matmata aux avions militaires turcs. Mais oui bien sûr, cela tombait sous le sens : la minuscule et stratégique Tunisie ne pouvait qu’acquiescer aux désirs d’Ankara. Dans l’esprit du néo-Grand Turc, elle se devait de redevenir la vassale des jours anciens.
Il y a une quinzaine d’années, j’avais eu le privilège d’entrer dans l’antre de Gamal al-banna, le plus jeune frère d’Hassan al-Banna, le fondateur des Frères musulmans. Dans un petit appartement situé dans un quartier populaire du Caire, il avait accumulé plus de 30.000 ouvrages, aujourd’hui souvent introuvables, des centaines de documents inédits, comme des notes manuscrites sur les liens secrets entre la Confrérie et le Mouvement des officiers libres, l’organisation militaire fondée par Gamal Abdel Nasser. Du vivant de Gamal al-Banna, ces trésors n’intéressaient pas grand monde. Que sont-ils devenus depuis sa disparition en janvier 2013 ?
Sous l’impulsion du nouveau patron de Ligue islamique mondiale, Mohammed Bin Abdulkarim Al-Issa, un proche du prince héritier, Mohammed Bin Salman, l’Arabie saoudite a annoncé, en janvier, qu’elle allait se séparer des mosquées qu’elle contrôle en Occident et qui ont longtemps servi à la propagation de l’idéologie wahhabite. Mais cinq mois plus tard, Riyad n’a pas trouvé de repreneurs. Et ce désengagement saoudien fait craindre une prise de contrôle de ces mosquées par des acteurs plus radicaux encore. Les mosquées en questions sont convoitées par certains États peu recommandables, comme la Turquie d’Erdogan, et par des groupes non étatiques, comme les Frères musulmans ou les mouvements salafistes.