À la fin des années 1950, Saïd Ramadan, le gendre d’Hassan al-Banna (fondateur des Frères Musulmans) fuit l’Égypte et choisit Genève pour partir à la conquête de l’Occident. Son fils Hani dirige depuis 1995 le Centre islamique de Genève (CIG). Son frère Tariq était le Musulman francophone le plus connu sur la planète, avant que des affaires de mœurs ne le fassent chuter en 2017. Encore aujourd’hui, Genève reste, en grande partie, sous la coupe du clan Ramadan. Mais coup de théâtre, le 10 septembre 2024. Alors que Tariq Ramadan avait été acquitté en mai 2023 en première instance, il est condamné en appel à trois ans de prison dont un an ferme pour viol et contrainte sexuelle.
Décédé le 26 septembre dernier, à 96 ans, le Qataro-Égyptien Youssef al-Qaradawi, présenté comme le guide spirituel des Frères musulmans, n’aura été, en fait, qu’un courtisan adaptant ses prêches à ce que souhaitaient entendre ses protecteurs qataris. Car, il doit d’abord son immense popularité à la chaîne qatarie Al-Jazeera où, pendant des années, il a pu distiller dans son émission ‘‘La Charia et la vie’’, sa version rétrograde de l’islam. Ainsi, une femme qui porterait un vêtement moulant, non seulement n’entrerait pas au paradis, mais elle « n’en sentira même pas l’odeur ». Le vêtement d’une musulmane « ne doit pas ressembler à ce que portent spécialement les mécréantes, les juives, les chrétiennes et les idolâtres », prévenait-il. Quant aux hommes, leurs parties intimes « sont comprises entre le nombril et les genoux ». Comprenez qu’ils ne doivent pas laisser les femmes s’extasier devant leurs cuisses… et y jeter des regards « affamés et avides », que Youssef Qaradawi, père-la-pudeur, baptisait « fornication de l’œil ».
Dans son dernier livre ‘‘Islamophobie, mon œil !’’, Djemila Benhabib emprunte à Salman Rushdie une formule qui résume, à elle seule, toute l’ampleur de l’escroquerie mortifère, orchestrée par le tenants de l’islam politique, que la militante laïque et féministe d’origine algérienne entend dénoncer à travers cet ouvrage lucide et poignant, à mi-chemin entre l’essai politique et le témoignage autobiographique : « un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles : l’islamophobie », dixit l’auteur des ‘‘Versets sataniques’’ qui connaît mieux quiconque les supercheries intellectuelles de l’inquisition islamiste.
Sur la photo qui illustre son dernier livre, Djemila Benhabib a l’œil étincelant, l’œil du défi. D’ailleurs, il est dans le titre : « Islamophobie, mon œil ! » (Éditions Kennes). Un regard lucide porté sur cette arnaque politique qui interdit de critiquer librement l’Islam. L’essayiste en a elle-même fait les frais, trainée devant les tribunaux au Québec à maintes reprises pour ses interventions courageuses contre l’obscurantisme. Djemila, qui porte le nom d’un site admirable en Algérie, cher à Albert Camus (« Le vent à Djemila ») a grandi dans ce beau pays ensanglanté jusqu’à son exil en France, en 1994, après une condamnation à mort des GIA, les groupes islamiques armés. Elle avait à peine 22 ans. Depuis, elle se bat, menant sa vie « À contre-Coran », titre de l’ouvrage qui lui a valu le plus d’admiration et de haine.
Depuis quatre décennies, les gouvernements européens accueillent dans leurs pays des centaines de dirigeants islamiques. Certains agissent ainsi pour des raisons politiques et stratégiques, d’autres sont motivés par la défense des droits de l’Homme. Une chose est, cependant, certaine : les intentions de ces arrivants ‘‘pas comme les autres’’ n’ont rien à voir avec les attentes et les motivations les autorités européennes.
C’est bien connu, le ridicule ne tue – hélas – pas. Pourtant, face à certaines aberrations, on aimerait bien qu’il le fasse. Ne serait-ce qu’une fois, pour l’exemple ! Ainsi, en riposte aux révélations de Global Watch Analysis (voir Ecran de Veille n°17, décembre 2021) et de nos confrères de Marianne, concernant les dérives de l’« islam consulaire » qui ont conduit le ‘modéré’ recteur de la Grande mosquée de Paris, Chams Eddine Hafiz, à sceller une alliance contre-nature avec les Frères musulmans, pour soustraire le contrôle du Conseil national des imams (CNI) au Conseil français du culte musulman (CFCM), sur fond d’animosité diplomatique algéro-marocaine ; ‘‘Musulmans de France’’ (MdF), la branche française des Frères musulmans, s’est fendue d’un étrange communiqué intitulé « halte à la calomnie », prétendant n’avoir aucun lien avec la Confrérie islamiste !
Fondée en 1933 par Hassan Al-Banna en Égypte, la branche féminine de la Confrérie reste marginalisée. Elle n’accède toujours pas à la hiérarchie de l’organisation. Les ouvrages de référence sur les Frères musulmans, comme The society of the Muslim Brothers de l’Américain Richard Mitchell, Les Frères musulmans des origines à nos jours, de l’Égyptien Amr Elshobaki, A modern history of the Ismalic World, de l’Allemand Reinhard Schulze. Ou encore Le Projet, d’Alexandre Del Val et d’Emmanuel Razavi, ne consacrent que quelques lignes aux Sœurs musulmanes. Elles jouent pourtant un rôle non négligeable pour le moral des troupes.
88 ans après sa création en 1933, la branche féminine des Frères musulmans reste très marginalisée. Les Sœurs musulmanes sont le plus souvent cantonnées au rôle d’auxiliaires à l’ombre des Frères. Paradoxalement, on observe un phénomène inverse en Europe : les Sœurs sont délibérément mises en avant, comme des symboles d’ouverture et de modernité. Elles servent ainsi de cheval de Troie islamiste pour mieux infiltrer la société civile et siphonner les subventions des instances européennes !
Coup sur coup, les déconvenues se sont succédées pour les Frères musulmans au Maghreb, depuis le printemps 2021. Des législatives algériennes, en avril, aux élections générales marocaines, en septembre, en passant par le coup de force institutionnel du Président Kaïs Saïed en Tunisie, en juillet, les pays du Maghreb ont tourné – chacun à sa manière – la page des gouvernements islamistes arrivés (ou associés) au pouvoir, un décennie auparavant, dans le sillage du « Printemps arabe »
A l’issue de plusieurs semaines de grogne populaire, provoquée par une grave dégradation de la situation économique et sanitaire, qui a atteint son apogée le 25 juillet – jour anniversaire de l’instauration de République en Tunisie – avec une journée de protestation appelant au limogeage du gouvernement et à la dissolution du parlement, marquée par le saccage de plusieurs sièges d’Ennahda, le parti islamiste au pouvoir, notamment dans les villes pauvres du sud du pays ; le président Kaïs Saïed a décidé de porter un « coup d’arrêt » radical à la crise politique et sociale qui secoue la Tunisie.