Comment est née la sulfureuse idée, portée par les relais hexagonaux des Frères musulmans, incitent les musulmans de France à présenter des « listes communautaires » aux prochaines municipales ? Trois semaines avant la grande marche communautaire du 10 novembre, le coup d’envoi de cette campagne visant à « frapper aux urnes » a eu lieu entre les murs du siège parisien du CAREP, le principal et plus influent Think-Tank qatari. Récit d’un lobbying savamment orchestré…
Président du Centre arabe de recherches et d’études politiques (CAREP) à Paris, un organisme financé par le Qatar, François Burgat appelle les musulmans à manifester dans les urnes leur opposition à la « posture française face à la radicalisation ».
Après le Suisse Tariq Ramadan, mis en cause par plusieurs plaignantes qui l’accusent de viols, Nadia Karmous et maintenant Nicolas Blancho, le Qatar fait apparemment un sérieux examen de conscience. L’émirat gazier est, en effet, contraint de se séparer de nombreuses personnalités de la mouvance frériste qui n’ont pas failli idéologiquement, mais dont l’image négative porte ombrage au pays et à son souverain.
Ali Bin Jassen Al Thani, ambassadeur du Qatar à Paris depuis octobre 2018, a très mal pris les menaces proférées par Tariq Ramadan à l’encontre de l’émirat, laissant entendre qu’il pourrait faire des révélations aux médias sur ses liens passés avec l’émirat gazier.
Cet été 2019 aura été, pour le Qatar, la saison de toute les outrances.
Tout a commencé le 20 juin, par une enquête du Wall Street Journal révélant que l’un des plus célèbres argentiers d’al-Qaida, Khalifa al-Subaiy, qui fut notamment le financier du « cerveau du 11 septembre », continue à exercer ses activités de « mécène de la terreur », à l’abri des hautes protections dont il jouit au sein de l’establishment qatari.
Puis, les scandales ont déferlé.
Après avoir tenté, en vain, d’entraver la diffusion du livre « Qatar Papers » de Christian Chesnot et Georges Malbrunot, en mobilisant des étudiants boursiers arabes pour acheter massivement le livre, le Qatar essaye de contenir l’audience du documentaire tiré du même livre.
Malgré les dénégations des autorités qataries, qui s’efforcent de démentir toute implication dans le financement du terrorisme, les scandales se multiplient et les révélations se succèdent, depuis le début de l’été, apportant un lot surprenant de documents et de preuves qui accablent l’émirat gazier. Des révélations qui éclaboussent de nombreux hommes d’affaires et dignitaires locaux, mais aussi d’éminents membres de la famille princière, dont Fahad Bin Hamad Bin Khalifa al-Thani, l’un des frères de l’émir actuel, Tamim Bin Hamad Bin Khalifa al-Thani, et l’ancien premier ministre Hamad Bin Jassim al-Thani, proche conseiller et associé en affaires de l’ancien émir Hamad Bin Khalifa al-Thani…
Longtemps les autorités de Doha ont eu pour stratégie de défense, face à multiplication des révélations sur l’implication de nombreux dignitaires qataris dans les scandales liés au financement du terrorisme, de les qualifier d’initiatives individuelles qui ne représentent pas le gouvernement.
Pendant des années – et jusqu’à récemment encore – une bonne demi-douzaine d’individus qataris finançaient Al Qaida en Irak en Syrie ou les Shebab en Somalie. Pour les besoins de notre enquête, sur le livre publié avec mon confrère Christian Chesnot (Nos très chers émirs, sont-ils vraiment nos amis ?), nous avions rencontré en 2016 l’un de ces financiers du terrorisme, cheikh Abdulrahmane Bin Omer al-Nouaimy à Doha, qui figure depuis 2014, sur les listes noires de l’Union européenne et des Etats-Unis.