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Le 21 mars dernier, jour du nouvel an iranien, le guide suprême de la révolution, l’ayatollah Ali Khamenei, surprenait son monde en appelant à « l’unité et à la reconstruction nationale ». On s’est alors dit : est-ce que les sanctions américaines commencent à faire leur effet ? La réponse est oui, si j’en crois la plupart des observateurs.

 

Entre sanctions américaines et crise de régime

9 mai 2019 Expertises   2289  

Christian Malard

Le 21 mars dernier, jour du nouvel an iranien, le guide suprême de la révolution, l’ayatollah Ali Khamenei, surprenait son monde en appelant à « l’unité et à la reconstruction nationale ». On s’est alors dit : est-ce que les sanctions américaines commencent à faire leur effet ? La réponse est oui, si j’en crois la plupart des observateurs.

Et la crise financière en Iran, exacerbée par les sanctions, touche de plein fouet les milices alliées qui verrouillent la présence et l’influence de l’Iran en Syrie, en Irak, au Liban, au Yémen et dans la bande de Gaza.
Les milices en Syrie ont vu leurs salaires considérablement diminués. Les projets que l’iran avait promis, pour aider une économie syrienne chancelante, ont avorté. De nombreux combattants du Hezbollah avouent avoir perdu la moitié de leur salaire ou n’avoir pas été du tout payés en janvier et février. Ils déclarent même s’attendre au pire avec d’autres coupes à venir. Même le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, reconnait les difficultés causées par les sanctions américaines.
Toutefois, une question demeure : toutes ces restrictions financières peuvent-elles avoir un impact sur le comportement de toutes ces milices qui restent attachées idéologiquement à la politique iranienne ? Les réactions des combattants, des officiels et des observateurs vont toutes dans le même sens : les sanctions américaines font mal !
Si, au Liban, le Hezbollah demeure la principale force militaire et un acteur politique incontournable. En Syrie, les iraniens sont amenés à réduire la présence de certaines milices, non seulement à cause des problèmes d’argent, mais aussi parce qu’après 8 années de guerre, Bachar El Assad a défait toute opposition. Cela dit, c’est en Irak que l’Iran va s’impliquer davantage pour y resserrer ses liens politiques et économiques. Les milices, qu’il avait soutenues, seront dorénavant financées par les autorités irakiennes. L’Iran maintient aussi des liens avec des alliés qui se situent de l’autre côté de l’échiquier politique irakien et qui défendent les intérêts iraniens en défiant la présence militaire américaine en irak.
Maintenant, il faut bien voir aussi qu’il y a une guerre d’influence souterraine entre ceux que nous autres occidentaux appelons, sans doute à tort, les modérés du régime (Hassan Rohani, le président, et Mohamad Javad Zarif, son ministre des affaires étrangères) et le clan des ultra conservateurs incarné par l’ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême de la révolution, le général Souleimani, le tout puissant chef d’état-major des armées et le corps des 160.000 Pasdarans (gardiens de la révolution) qui verrouillent tous les secteurs politiques, économiques et militaires du pays. Aujourd’hui, cette guerre est bien ouverte. On peut même parler d’un début de crise de régime.
Hassan Rohani et Javad Zarif risquent, à présent, de payer le prix de l’ouverture qu’ils ont prônée envers les occidentaux. Les ultra conservateurs du régime ne leur pardonneront pas de ne pas avoir obtenu les dividendes escomptés de l’accord sur le nucléaire. Ils ne croient pas davantage au système de troc instauré par les Européens pour contourner les sanctions américaines et mieux assurer leur survie économique.
En effet, quelques jours après l’annonce de la mise en place du système de troc, Khamenei, qui a le dernier mot sur toutes les décisions de politique étrangère, a lancé une mise en garde, affirmant que son pays ne devrait pas faire confiance aux Européens.
Tout cela pourrait donc laisser augurer d’un désaveu des modérés, un repli du régime sur lui-même, avec un durcissement de sa politique vis-à-vis des Etats-Unis, d’Israël et de l’Europe. Avec, à la clef, un éventuel retrait de l’accord sur le nucléaire, une relance par l’Iran de son programme nucléaire, sans oublier le maintien des troupes iraniennes sur le territoire syrien et du Hezbollah au liban.
Si tel était le cas, je ne suis pas sûr qu’Israël, les Etats-Unis et leurs alliés dans la région resteraient les bras croisés !

* Expert en politique internationale et consultant diplomatique