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Frères musulmans: quand les Frères (ennemis) se sont étripés à Munich !

17 juillet 2019 Investigations   20116  

Le 23 août 1973, un muezzin appelle, pour la première fois, à la prière, depuis une mosquée en Bavière : le centre islamique flambant neuf situé à la sortie de Munich, au milieu des bois. A cette époque, l’Allemagne de l’Ouest ne compte que cinq mosquées. Celle de Munich a coûté cinq millions de Marks.

Par Atmane Tazaghart

Construite par un architecte allemand d’origine turque, elle possède « un minaret d’une finesse étourdissante, haut de 35 mètres et couronné par une demi-lune dorée. Un escalier en spirale conduisait à la plateforme d’où le muezzin devait appeler à la prière », écrit Ian Johnson, dans son livre Une mosquée à Munich…

Les Allemands et derrière eux, les Américains, et plus particulièrement la CIA, ont fait la courte échelle à trois Frères musulmans venus implanter la Confrérie en Occident. Il y avait  d’abord l’Egyptien Saïd Ramadan, le gendre d’Hassan al-Banna, le fondateur de la Confrérie. Pour mettre la main sur la communauté musulmane en Allemagne et construire cette fameuse mosquée, il s’appuie sur un Frère syrien, Ali Ghaleb Himmat, et sur son compatriote Youssef Nada, le financier occulte des Frères musulmans. 

Au départ, les Américains misent sur Saïd Ramadan. Ils voient en lui le futur porte-parole de l’Occident dans le monde musulman. « Les services de renseignement américains firent pression sur la Jordanie pour qu’elle délivre un passeport à Ramadan », raconte Ian Johnson. Seulement voilà, le père de Hani et de Tariq Ramadan n’avait pas vraiment un mode de vie irréprochable. 

Généreusement « sponsorisé » par les Saoudiens, Saïd Ramadan roule en Cadillac de couleur criarde. Et il n’est pas insensible aux charmes des femmes de petite vertu. On retourne les traces de ses frasques, dans les archives des services suisses décalcifiés en 2018. Ses voisins, rapporte une note secrète datant du 14 novembre 1960 (voir le faximilé ci-contre), se plaignaient de la fréquence des allée et venue de femmes de petite vertu venant rendre visite au cheikh égyptien !

 

Plus grave, en 1960, Said Ramadan affirme à ses Frères avoir recueilli une importante somme d’argent, pour la construction de la mosquée de Munich, de la part du roi d’Arabie, Saoud Ben Abdelaziz, du roi Hussein de Jordanie et d’hommes d’affaires turcs et libyens. Il annonce même avoir créé des « succursales » à La Mecque, Médine, Djeddah et Beyrouth, en y nommant des « conseillers honoraires » chargés de récolter des fonds en son nom. 

Mais, les mois passent sans qu’il ne ramène le moindre sou. « Nul n’avait encore vu la couleur de la somme promise à l’occasion de son pèlerinage à La Mecque l’année précédente », écrit Ian Johnson. Finalement, Saïd Ramadan, lâché par les Saoudiens, abandonne le projet munichois et se replie en Suisse, où il crée le Centre islamique de Genève. 

La culture du secret, chère aux Frères musulmans, a fait que le conflit n’a pas éclaté au grand jour. Mais lorsque la mosquée de Munich est enfin inaugurée, en août 1973, Saïd Ramadan n’est même pas invité. Le comité en charge de la construction de la mosquée l’a même radié de la liste de ses membres !  

Ali Ghaleb Himmat a échappé à la disgrâce de son motor. Lâchant Saïd Ramadan, il endossé le rôle de Brutus, en se rapprochant de son rival Youssef Nada. Contrairement à Saïd Ramadan qui a pu quitter l’Egypte assez tôt après l’arrivée au pouvoir de Nasser, Youssef Nada a passé plusieurs années en prison. À sa sortie, il se lance dans les affaires et finit par s’installer en Libye. D’où il est contraint de s’enfuir, suite au coup d’Etat du colonel Kadhafi, en septembre 1969. Mais comme dans le monde arabe les haines ne sont pas éternelles, le guide libyen, qui cherchait à redorer son blason auprès du monde musulman, accepte de lui venir en aide, en 1971, en participant au financement de la mosquée de Munich.

Ainsi, c’est grâce à un chèque d’un 1,5 million de marks, reçu de Kadhafi, que Youssef Nada parvient à finaliser la construction de la mosquée de Munich. Il préfère, cependant, rester dans l’ombre, laissant le premier rôle à Ali Ghaleb Himmat, intronisé, durant trois décennies, à la tête de la mosquée. 

Les deux hommes, aujourd’hui octogénaires, sont restés très proches. Malgré les soupçons de financement du terrorisme qui ont pesé sur eux, au lendemain des attaques au 11 septembre 2001, les deux hommes coulent des jours heureux dans leurs villas voisines, au cœur de la paisible enclave italienne de Campione, dans le canton suisse du Tessin.